- Qu’y a-t-il?

- Je pense savoir comment trouver le gardien de la clef, déclara la draeneï, tu te souviens quand nous sommes allées enquêter dans le Quartier des Nains ?

- Oui et alors ? demanda l’humaine qui ne voyait pas où son amie voulait en venir.

Noem’Aeda se leva et commença à détacher les brides de leurs montures qui étaient accrochées à un poteau. Asnath se releva, intriguée par l’enthousiasme de sa compagne de voyage qui, depuis la mort de son frère, avait perdu son habituelle bonne humeur. Lorsque celle-ci monta en selle et lui lança les rennes de son cheval, la prêtresse commença vraiment à se demander si son amie allait bien.

- Allez, en route Asnath ! insista la mage, il est hors de question que nous rations le Tram des Profondeurs.

La jeune humaine resta un instant interdite, son regard allant des rennes de sa monture qui se trouvaient dans sa main à la draeneï qui trépignait d’impatience.

- Tu n’es pas en train de me dire que…

- Si, déclara triomphalement Noem’Aeda, on utilise le Tram pour se rendre à Forgefer et là-bas, on demande aux gnomes où se trouve le gardien de la Clef. Tu en penses quoi ?

Asnath ne répondit rien, se mit en selle et fit avancer sa monture au travers des ruelles pour rejoindre le canal.

- Noem’Aeda, je pense que ton projet est condamné avant même d’avoir vu le jour. Les gnomes sont tout sauf stupides, jamais ils ne révèleront à deux étrangères où se trouve la relique. Mais bon, faute de mieux, on peut toujours essayer et comme Omundron m’avait dit qu’ils partiraient au Nord, ce sera toujours aller dans la même direction qu’un des trois objets que nous recherchons. Alors va pour Forgefer.

Le duo se fraya un chemin dans la nombreuse foule qui encombrait les rues et finit par atteindre l’entrée du Tram des Profondeurs, une des réalisations gnomiques les plus abouties. Un gigantesque train traversant les montagnes pour relier la capitale humaine d’Hurlevent et la grande cité naine de Forgefer.

Nombreux étaient ceux qui désiraient, comme elles, faire le voyage. Il leur fallut donc patienter avant qu’on ne prenne l’elekk et le cheval pour les faire monter dans un wagon spécial. Pendant ce temps, leurs propriétaires avaient pris place dans une voiture libre dans laquelle une gnome monta au dernier moment.

Lorsque cette dernière vit l’humaine et la draeneï, elle leur adressa un geste de salutation auquel les deux amies répondirent.

- Vous devriez-vous accrocher les filles, dit-elle d’une voix fluette, ce serait dommage de vous perdre en route.

- Le Tram va si vite que ça ?

- Pour rejoindre en deux heures une ville qui se trouve à quatre jours de cheval, il vaut mieux qu’il aille vite. Le trajet entre les deux capitales est presque cinquante fois plus rapide en passant par ici. Vous risquez d’être décoiffées.

C’est à ce moment que les voitures furent lancées dans le tunnel. Emportée par la vitesse, Asnath perdit l’équilibre et tomba lourdement sur Noem’Aeda qui eut bien du mal à conserver sa prise sur une des rambardes. La gnome éclata d’un petit rire cristallin.

- On voit que vous n’êtes pas vraiment habituées. Ne vous inquiétez pas, dans une dizaine de minutes les frottements de l’air seront moins forts, d’ici là veillez à rester accrochées.

L’humaine et la draeneï hochèrent la tête de concert, ce qui eut pour effet de déclencher un nouveau rire de la gnome.

- J’espère que ces reliques valent la peine que nous prenions cet engin, déclara Asnath, si cela n’avait pas été pour sauver Omundron et peut-être Azeroth, j’aurais mis des mois pour me convaincre de monter là-dedans.

- Ne m’en parle pas, mon peuple a utilisé des vaisseaux énormes pour fuir Draenor, mais je crois que cette machine est la plus étrange et dangereuse que j’ai jamais vu. Tout ce que je demande, c’est qu’on puisse nous dire où se trouve celui ou celle en charge de la Clef.

Asnath remarqua alors le regard que leur lançait la gnome qui se trouvait avec elles. En le remarquant, Noem’Aeda se tut et jeta un œil à la prêtresse pour avoir une idée de la conduite à tenir. Avant même que l’une des deux ne prenne la parole, la gnome fit un geste leur intimant le silence.

- Vous avez parlé de quelqu’un appelé Omundron, Omundron Mirétoile n’est-ce pas ? De lui et d’une clef ?

Asnath réagit en entendant le nom complet de son vieil ami, un nom qu’elle n’avait que rarement entendu prononcé. Elle et Noem’Aeda se regardèrent, chacune cherchant dans le visage de l’autre une réponse sur ce qu’elles devaient faire. Puis la prêtresse vit dans cette rencontre le signe possible que la chance était enfin de leur côté.

- Oui, nous sommes à la recherche de mon frè… meilleur ami et de sa fiancée expliqua-t-elle, nous savons que celle-ci est la gardienne d’un objet précieux et nous avons de bonnes raisons de croire qu’ils sont en danger.

- Quel rapport avec la Clef ? demanda la gnome suspicieuse.

- La clef dont nous essayons de trouver le propriétaire, continua Noem’Aeda, a la même valeur aux yeux de ceux qui menacent les deux elfes que l’objet qu’ils gardent.

- Comment pouvez-vous le savoir ?

- Mon frère était le gardien d’une relique similaire, il a été tué il y a maintenant plus d’une semaine et l’objet lui a été dérobé.

La gnome acquiesça puis ses yeux fixèrent le vide, il était évident qu’elle aussi réfléchissait.

- Si vous deviez me prouver que vous êtes dignes de confiance, que feriez-vous ?

- En réalité, bien peu de choses, répondit Asnath en écartant les bras, rien ne prouve que vous puissiez nous croire.

- Cette réponse me suffit amplement, j’aime prendre des risques, déclara leur interlocutrice les yeux pétillants, de toute manière vu la façon dont vous avez failli vous casser la figure au démarrage, on peut dire au premier coup d’œil que vous n’êtes pas dangereuses.

Asnath baissa la tête pour ne pas que les deux autres passagères la voient rougir alors que Noem’Aeda était piquée au vif. En voyant leurs réactions, la gnome laissa à nouveau échapper un petit rire aigu.

- Soit, dit-elle en reprenant son sérieux, lorsque nous serons arrivées ne me quittez pas d’une semelle. Je vous emmène chez moi où nous pourrons discuter plus au calme. D’ici là, essayez de profiter du voyage et surtout, ne laissez pas un de vos bras trainer hors de la voiture, vous pourriez le regretter.

- Et comment vous nommez-vous ? questionna la mage.

- Je me nomme Ellécnite, Ellécnite Turosiven. Démoniste et accessoirement gardienne de la Clef des Profondeurs que vous recherchez.

 

Chapitre Vingt : La Clef des Profondeurs.

 

Une fois descendues du Tram des Profondeurs, après un arrêt tout aussi fracassant que le départ, Asnath, Noem’Aeda et leur nouvelle connaissance Ellécnite se dirigèrent vers la sortie de la cité de Forgefer. Le nom de la capitale naine lui allait comme un gant puisque la ville était bâtie autour d’une immense forge alimentée par une poche de magma. Bien que toute la cité ait été creusée dans le flanc de la montagne, la chaleur que la lave dégageait était tellement étouffante que l’humaine et la draeneï mirent du temps à se remettre du changement avec la fraîcheur du tunnel du Tram.

Ellécnite les guida rapidement jusqu’à l’entrée de la ville, passant devant la Garde militaire puis en rejoignant les Communs. Lorsqu’elles eurent traversée la grande porte, Asnath et Noem’Aeda s’arrêtèrent devant le spectacle qui s’offrait à leurs yeux. L’entrée de Forgefer était située en hauteur sur le flanc de la montagne, ce qui leur permettait d’avoir une vue d’ensemble du paysage qui s’étalait devant elles.

- C’est…, commença Noem’Aeda en grelottant.

- …A couper le souffle, continua Asnath qui claquait des dents.

- Les filles, je vous présente Dun Morogh.

Sous leurs yeux se dévoilait un monde recouvert par la neige et la glace, immaculé et silencieux, dont la beauté faisait oublier le froid glacial. La neige alourdissait les branches des arbres qui semblaient ainsi recouverts de coton et le soleil se reflétant sur la glace illuminait ce paysage d’une lumière surnaturelle et aveuglante, comme si des milliers de diamants avaient été renversés sur le sol. Le silence régnait, chaque son étant assourdi par le tapis de poudreuse, et l’air frais ne portait que le doux bruit du vent. Asnath et Noem’Aeda n’avaient jamais vu la neige, cette découverte les émerveilla au plus au point, faisant apparaître le spectacle devant elles comme un morceau dévoilé du paradis.

La démoniste se retourna vers les deux jeunes amies qui se tenaient serrées l’une contre l’autre pour essayer de se protéger du froid.

- Hum, vous n’avez pas vraiment l’air habillées pour le climat d’ici. Espérons que mon cheval suffira le temps qu’on arrive à mon labo. Aller, en route.

Ellécnite traça un cercle à côté d’elle, y écrivit quelques mots dans une langue inconnue puis prononça une incantation aux accents rudes. Le sol à l’intérieur du cercle se fissura, laissant jaillir de nombreuses flammes. Alors la lave se modela pour former la silhouette d’un puissant étalon. Déjà sellé, le cheval infernal inclina la tête en signe de soumission à la démoniste qui venait de l’invoquer. La chaleur que dégageait l’animal était suffisante pour qu’Asnath et Noem’Aeda puisse supporter la bise glaciale qui commençait à souffler, bien que les deux amies préférassent se tenir un peu à l’écart du cheval-démon.

D’un claquement de langue, Ellécnite ordonna à sa monture de s’abaisser pour lui permettre de monter en selle. Une fois que toutes furent prêtes, l’elekk et l’étalon suivirent le cheval de flamme.

Pendant deux longues heures, Asnath et Noem’Aeda suivirent la démoniste à travers les plaines enneigées. La nature infernale du cheval d’Ellécnite les obligea à contourner un lac gelé, de peur que la glace ne fonde sous ses sabots. Au loin, Asnath aperçut des volutes de fumée verdâtre s’élever d’une barrière rocheuse. La prêtresse montra à Noem’Aeda les étranges colonnes de vapeur.

- Ellécnite, tu as une idée de ce qui provoque ce phénomène ? se renseigna cette dernière.

La gnome remonta sa capuche pour pouvoir jeter un œil à ce que pointaient les deux étrangères puis se renfrogna.

- Oui, soupira-t-elle en rabattant le tissu sur ses yeux, Ce que vous voyez là-bas, ce sont les émanations radioactives qui s’échappent par les conduits d’aération de notre ancienne capitale, Gnomeregan. Mon laboratoire est situé tout près. Depuis que l’on m’a confié la Clef que vous recherchez, je tente de l’utiliser afin de trouver un moyen de nettoyer notre pauvre cité et de guérir tous nos amis irradiés. Jusqu’ici c’est un échec.

Enfin, elles virent apparaître un petit sentier qui menait à une maison sur la façade de laquelle tournaient plusieurs engrenages actionnés par de nombreuses éoliennes situées sur le toit de tôle de la construction. En suivant la démoniste, les deux amies mirent leurs montures à l’abri du froid puis rentrèrent dans la petite maison.

Ellécnite demanda à ses deux invitées de se mettre à l’aise. Elle mit ensuite en route plusieurs machines et la salle s’emplit de sifflements et autres bruits étranges. Rapidement la pièce se réchauffa et s’éclaircit, ce qui permit à Ellécnite de retirer sa chaude cape d’hiver. Lorsque la gnome ôta sa capuche, Asnath et Noem’Aeda purent détailler le visage de leur hôte.

Ses grands yeux violets qui éclairaient son petit visage mutin s’accordaient à merveille avec ses cheveux roses coiffés en deux couettes. La gnome avait ce charme qu’ont les enfants mais l’éclat d’intelligence qui brillait dans ses prunelles trahissait sa maturité et son âge. Intriguée, Noem’Aeda ne put s’empêcher de tâter une des mèches de la démoniste.

- C’est normal comme couleur ? Ou est-ce que c’est le résultat d’une expérience qui a mal tourné ? Je me suis toujours posé cette question à propos des cheveux des gnomes.

Ellécnite repoussa la main de la draeneï d’une claque et lui lança un regard noir.

- Rappelle-toi, la grande bleue, que je peux invoquer en un clin d’œil un démon bien pire que dans tes cauchemars. C’est naturel et j’en suis fière. Maintenant si tu peux éviter de toucher à tout pendant que je vais chercher la Clef.

La mage s’enfonça dans son siège comme un enfant prit en faute. Asnath cacha, non sans peine, son hilarité à voir celle qui lui avait donné des cours de diplomatie se faire ainsi admonester.

Pendant ce temps, la démoniste appuyait sur de nombreux boutons d’une console immense. Chaque action semblait calculée au millimètre près et, après un petit moment, un bruit de pression libérée brusquement se fit entendre alors qu’un panneau du mur coulissait, laissant apparaître une cache. Ellécnite en sortit un étrange objet, la Clef des Profondeurs.

Le terme de clef semblait tout à fait hors de propos, la relique était en réalité une étrange armature métallique cubique contenant une sphère translucide dans laquelle on pouvait voir plusieurs éclairs se former par intermittence. Deux bornes permettaient de la brancher. La relique ressemblait ni plus ni moins à une ordinaire batterie. La gardienne déposa l’objet sur la table devant Asnath et Noem’Aeda.

- Les filles, voici la Clef des Profondeurs.

- Pourquoi est-ce que vous avez choisi ce nom ? s’informa l’humaine en se penchant avec curiosité.

- Parce que nous avons toujours l’espoir que cet objet nous donnera les moyens de retrouver notre capitale, qu’il en est la clef. L’entreprise de désinfection de Gnomeregan est colossale. Si jamais nous parvenons à trouver un moyen de nous débarrasser des radiations, toute l’énergie de la Clef sera nécessaire pour enfin pouvoir considérer l’infection comme un mauvais souvenir. En attendant, j’ai été chargée par les miens de garder la Clef à l’abri.

- Si je puis me permettre, pourquoi as-tu été choisie ? demanda la draeneï, je veux dire que…

Nouveau regard noir de la part d’Ellécnite qui décida de ne plus regarder qu’Asnath.

- Je ne suis certes pas la personne la plus puissante sur Azeroth. Cependant, le problème est surtout de faire en sorte que jamais la Clef des Profondeurs ne tombe dans de mauvaises mains. Un moyen comme un autre est de la donner à un gardien qui vive à l’écart de tout. Comme depuis la catastrophe je n’ai jamais quitté ce lieu plus d’un mois et que ma maison est isolée, la relique m’a été confiée.

Les deux invitées acquiescèrent, c’était un choix compréhensible.

- Mais tout à l’heure, répliqua Asnath, tu as réagis quand nous avons parlé de Tassanya et d’Omundron…

- Oui, continua Ellécnite, il y a six jours, j’ai reçu un message de la Gardienne de la Larme. Elle souhaitait me parler.

- A quel sujet ?

- Tassanya et moi nous connaissons bien. Nous nous étions rencontrées lorsque les dirigeants de l’Alliance avaient décidé que les deux gardiennes devaient se connaître. Nous nous sommes vues à Hurlevent le lendemain, elle voulait me parler de leur projet, à elle et Omundron. Une folie, je ne me suis pas gênée pour le leur dire d’ailleurs.

- Que voulaient-ils faire ? demanda Asnath avec précipitation.

Ellécnite détourna le regard et lâcha un long soupir.

- Tu ne vas pas aimer, Asnath. Mais ils ont pour projet d’utiliser la puissance de la Larme d’Elune pour aller purifier la Malbrèche.

- Pardon ?

- Tu as bien entendu, ils sont persuadés qu’il est possible de rendre ce lieu à la nature. De la part de deux elfes, cette idée ne m’étonne pas. Mais là n’est pas le pire… Asnath, ils veulent aussi voir s’ils peuvent purifier la ville de Stratholme.