- Nous irons jusqu’à Stratholme pour les y chercher, termina Asnath.

La gnome hocha la tête avec réticence, puis elle prit la Clef des Profondeurs et regarda à travers le verre les petits éclairs qui se formaient.

- Les filles, continua-t-elle sans lâcher la relique des yeux, soyez prudentes. Le courage ne suffit pas dans ce monde, trop nombreux en sont les exemples. J’ai beau ressembler pour vous à une enfant, j’ai participé à beaucoup de batailles. S’il n’y avait pas eu la Clef à garder, je vous aurais sans doute accompagnées. Alors je vous en prie, tâchez de rester en vie et si jamais l’une de vous venait à être tuée…

Ellécnite hésita un instant avant de poursuivre.

- La survivante devra s’assurer que son corps soit bien caché. Il n’est nul besoin que vous vous retrouviez face à face, chacune dans un camp.

L’humaine et la draeneï se dévisagèrent, imaginant si elles pourraient avoir le courage de s’affronter si l’une venait à passer dans le camp ennemi. Chacune lut dans les yeux de l’autre la même réponse, non.

C’est alors qu’on frappa à la porte du laboratoire. Trois têtes se retournèrent vers l’entrée. La démoniste fit signe à ses invitées de rester silencieuses puis elle activa une autre machine dont l’écran s’alluma. Sur l’image, on pouvait voir une silhouette orangée derrière laquelle se tenaient plusieurs autres qui étaient beaucoup plus bleues. La stupeur, mêlée à la peur, qui apparut dans les yeux violets d’Ellécnite mit Asnath et Noem’Aeda en alerte.

Consciente que son silence devenait suspect, la gnome cria :

- Oui, qui est-ce ?

- Excusez-moi, répondit une voix de l’autre côté de la porte, je porte un message pour Mademoiselle Turosiven, suis-je au bon endroit ?

- Madame ! Oui, c’est moi, répondit Ellécnite, vous êtes sûrement le messager de mon fournisseur de matériel. Vous venez m’apporter sa facture n’est-ce pas ?

- En effet, c’est exact, fit cordialement la voix, puis-je entrer ?

- Aaah mon expérience, hurla tout à coup la démoniste, pardonnez-moi pouvez-vous attendre quelques minutes, je dois empêcher cet appareil de faire exploser ma maison.

- Faites je vous en prie.

Asnath et Noem’Aeda étaient encore en train de chercher l’expérience dangereuse lorsqu’Ellécnite bondit près d’elles et les força à se mettre à sa hauteur.

- Ecoutez-moi, chuchota-t-elle, nous avons un très gros problème.

- Que se passe-t-il ? s’enquit Asnath, tu n’as pas de quoi payer ton fournisseur.

- Je n’ai pas de fournisseur de matériel, répliqua la gnome en désignant la machine qu’elle avait allumé, vous voyez cet écran ? L’image qui y apparaît est thermique, cela veut dire que cet homme est accompagné par des créatures qui n’ont pas de chaleur corporelle puisqu’elles apparaissent en bleu. De plus, personne ne m’appelle « mademoiselle » ici. Enfin, mon laboratoire est le seul à des kilomètres, s’il avait été vraiment quelqu’un du coin il n’aurait même pas pris la peine de demander s’il était au bon endroit.

- Ça veut dire… commença Noem’Aeda.

- Que vous aviez raison ! Le Fléau est bien à la recherche des Reliques et ils savent qui sont les gardiens. Celui qui se trouve derrière cette porte est sans doute un nécromant et il est accompagné par une troupe entière de non-morts.

- Mais, murmura Asnath, si on se débarrasse du nécromant, est-ce que ses créatures ne vont pas mourir ?

- Si cela avait été des goules décervelées oui. Mais là, ce sont des morts-vivants intelligents, bien plus redoutables, peut-être pas autant que les Chevaliers de la Mort mais ils sont au moins une dizaine.

Asnath serra les dents, la peur au ventre.

- Que veux-tu que nous fassions ? demanda Noem’Aeda.

- Ils n’ont pas l’air d’avoir remarqué vos montures, ils pensent que je suis seule. Cela nous donne un avantage mais… vous n’avez jamais combattu. Je vais donc vous prévenir, ces créatures ne connaissent ni pitié ni peur. La seule personne à qui elles répondent est leur roi. Noem’Aeda, Asnath, le seul moyen que nous ayons pour nous sauver est de tous les réduire à néant. Asnath range la Clef pendant que je nous invoque des renforts.

Asnath prit l’étrange batterie et s’apprêtait à la ranger quand la porte explosa. Ellécnite fut projetée dans une étagère remplie de fioles qui se brisèrent en une pluie de verre.

- Noem’Aeda ! cria la démoniste, téléporte nous à l’extérieur !

La mage attrapa rapidement la main d’Asnath et une des couettes d’Ellécnite avant que toutes trois ne disparaissent. Elles réapparurent dans l’écurie, à côté de l’elekk et du cheval affolés de voir ainsi leurs maîtresses se matérialiser à côté d’eux.

- Sortez vite, ordonna Ellécnite en se levant, Asnath protège nous avec ton bouclier, Noem’Aeda, tu maîtrise la technique du blizzard ?

- Seulement quand il y a des nuages.

- Tu as de la chance, il fait moins dix et le temps est couvert. Maintenant on sort, se battre dans un espace clôt relève du suicide. Noem’Aeda, je te donne deux minutes pour invoquer le blizzard, passé ce délai nous seront mortes toutes les trois.

Asnath eut tout juste le temps d’incanter le bouclier avant qu’elles ne se précipitent dehors. La vision qu’elle eut failli la faire mourir d’horreur.

Comme l’avait dit Ellécnite, l’homme qui avait frappé à la porte était un nécromant accompagné par une troupe de dix morts-vivants. Le visage marqué par d’affreuses cicatrices, des crânes sans doute d’origine humaine accrochés à ses épaulières, habillé d’une robe sombre sur laquelle étaient brodées des motifs effrayants, le soi-disant messager était cependant bien moins terrifiant aux yeux de la prêtresse que ses sbires. Si autrefois ils avaient été humains, désormais plus rien chez eux ne rappelait leur lointain passé.

En charpie aurait été un qualificatif tout à fait acceptable, il n’y en avait pas un seul auquel il ne manque une partie du visage ou la moitié d’un membre. Leur peau tuméfiée se détachait par lambeaux de leurs os et dans leurs yeux on ne pouvait lire que la folie et le besoin irrépressible de répandre la mort autour d’eux. Leurs armes, aussi tordues et malsaines que leurs esprits, avaient des formes étranges qui laissaient présager la douleur qu’elles pouvaient infliger. Alors qu’ils avançaient vers leurs proies, Asnath pouvait entendre le son de leurs articulations que seule la magie maintenait en place. Ceux à qui restaient encore une mâchoire rivalisaient d’abomination par les angles improbables que prenaient leurs membres les uns par rapport aux autres. La prêtresse regretta alors amèrement de ne pas être restée aux Murmures Brisés.

Une flèche qui percuta son bouclier la tira hors de sa macabre contemplation. Ellécnite se trouvait face aux morts-vivants, à ses côtés se tenait désormais un petit démon comme celui qu’avait le démoniste à l’auberge de Sombrivage. Noem’Aeda était tout près d’Asnath et se concentrait en récitant une longue litanie. La gnome était en infériorité numérique, même avec l’aide de son démon, et l’humaine s’en rendait compte. Se creusant la tête, Asnath chercha un moyen de venir au secours d’Ellécnite.

Risquant le tout pour le tout, elle incanta. N’ayant jamais utilisé de sort offensif sur autre chose que des mannequins, elle ne s’attendait pas à ce que sa magie ait autant d’effet sur ses ennemis. Perçant les nuages, un puissant faisceau de lumière vint frapper l’un des non-morts, l’incinérant sur place. La prêtresse regarda ses mains, puis le tas informe des restes de sa victime, et faillit finir décapitée par un autre assaillant qui s’effondra juste sous ses yeux, terrassé par la démoniste.

- Asnath ! cria cette dernière en se retournant vers un autre mort-vivant, si tu arrives à maintenir nos boucliers et à incanter vas-y ! Ces créatures sont l’incarnation même de ce que la Lumière combat ! Ta magie les affecte bien plus sûrement que la mienne !

Obéissant à Ellécnite, Asnath se concentra à nouveau sur un non-mort qui menaçait Noem’Aeda et utilisa un autre sort, plus rapide à incanter. Elle sentit le picotement caractéristique de sa magie et un éclat de lumière partit de ses mains pour aller percuter de plein fouet le cadavre animé. Malheureusement celui-ci ne fut que blessé et il se retourna vers l’humaine. Ses yeux morts fixaient la prêtresse qui l’acheva en utilisant le même sort, tout en essayant de maintenir les trois boucliers intacts malgré les assauts ennemis. C’est alors qu’il se mit à neiger.

Autour de Noem’Aeda se formait un tourbillon de neige et de glace qui tournait de plus en plus vite. Puis la chute de neige s’intensifia jusqu’à ce que des grêlons gros comme le bras de l’humaine se mettent à tomber, empalant tout ce qui se trouvait à leur point de chute.

- Asnath ! appela la mage à travers le hurlement du vent, laisse tomber mon bouclier, le vortex me protège. Privilégie le tien et celui d’Ellécnite ! Le blizzard ne fera pas de distinction.

Les vents redoublèrent de violence, faisant plier les arbres des alentours et emportant avec lui plusieurs tôles du toit du laboratoire. Asnath se rapprocha de la gnome et forma un bouclier commun pour elles deux, plus puissant. Les blocs de glace venaient percuter leur protection avec une telle force qu’ils éclataient en morceaux. Plusieurs morts-vivants se firent déchirer en lambeaux sous leurs yeux. Asnath chercha des yeux le nécromant, elle le vit rentrer dans la maison d’Ellécnite. Il cherchait sans doute la Clef des Profondeurs pendant que ses compagnons se faisaient déchiqueter. Il ressortit peu de temps après, tenant un objet cubique dans les mains avec autant de précaution que lui permettait la situation.

En voyant cela, Ellécnite eut un mouvement de surprise puis elle se mit à crier pour couvrir le bruit du blizzard.

- A terre tout le monde ! Mettez-vous à l’abri !

Sur ce le laboratoire explosa, projetant l’humaine, la draeneï et la gnome dans la neige et désintégrant le nécromant qui ne s’était pas mis à couvert à temps.

Lorsque les morceaux de métal carbonisés cessèrent de pleuvoir autour d’elles, le silence revint. Dans la neige ne subsistait plus de la maison d’Ellécnite qu’une carcasse brûlée et les quelques restes épars de ses inventions.

 

Chapitre Vingt-deux : Arcane, lumière et magie gangrénée.

 

Asnath releva la tête à la recherche de Noem’Aeda. Elle n’avait pas eu le temps de la protéger à l’aide d’un bouclier et craignait que son amie n’ait été blessée par l’explosion. Elle fut rassurée quand elle vit non loin d’elle la draeneï qui se mettait péniblement sur pied, les restes d’un mur de glace protecteur devant elle. Ellécnite aussi était sauve, mais on ne pouvait pas dire de même de son démon dont le corps gisait non loin.

Rejoignant la mage pour soigner les quelques coupures qu’avaient provoquées les éclats de glace, Asnath jeta un œil à Ellécnite qui errait parmi les décombres de son laboratoire. La gnome touchait mélancoliquement du doigt toutes les carcasses carbonisées de ses inventions, sa détresse provoqua un pincement de cœur chez la prêtresse.

- Tout est… parti, l’entendit-elle murmurer, tant d’efforts et d’années de travail. En un instant… plus rien.

- Ellécnite, nous sommes désolées, déclara l’humaine qui s’approchait.

- Vous n’avez pas à l’être. Si je vous avais écoutées au lieu de remettre en cause votre mise en garde, j’aurais pu éviter cela. Asnath, peux-tu me rendre la Clef maintenant ?

Cette dernière se rendit alors compte que le poids qui alourdissait une de ses poches n’était autre que la relique qu’elle avait rangée là après que Noem’Aeda les ait téléportées dans l’écurie. Elle sortit le cube de sa poche et le tendit à Ellécnite.

- Merci. Maintenant, reprit la démoniste, je pense que plus rien ne me retient de vous accompagner dans les Maleterres.

- Ellécnite, tu ne nous dois rien, répliqua Asnath, tu n’as aucune obligation envers nous.

- Tu as tort, je vous dois la vie à toutes les deux. Sans votre aide, je ne serai jamais venue à bout de ces monstres. Mais si je décide de vous suivre, c’est surtout pour m’assurer que le Fléau ne mettra pas la main sur d’autres reliques, en tant que gardienne c’est un devoir pour moi.

- Cependant nous allons avoir un petit problème dans l’immédiat, objecta Noem’Aeda, nos montures ont disparu. Je crois qu’elles se sont enfuies après que je nous ai téléportées dans leur étable. Sans elles, nous n’irons pas très loin.

- En effet et nous ne pourrons pas non plus les vendre, renchérit Asnath, ce qui limite nos possibilités d’en acheter d’autres une fois arrivées à Austrivage.

- Ne vous en faites pas pour ça, répliqua la démoniste, de l’argent j’en ai bien plus qu’il ne m’en faut. En attendant, il nous faut trouver un endroit où passer la nuit. Nous sommes trop loin de Forgefer pour y retourner à pied avant que le soleil ne se couche. Venez, j’ai un ami qui n’habite pas très loin, il me doit un ou deux services alors je suis sûre qu’il se fera un plaisir de nous héberger pour ce soir.

Ramassant en hâte leurs affaires, qu’elles avaient pu sauver de l’explosion, Asnath et Noem’Aeda se précipitèrent à la suite d’Ellécnite, trébuchant dans la couche de neige poudreuse que le blizzard de la mage avait déposé là. C’est n’est que lorsqu’elle se retourna que la prêtresse prit conscience de la scène qui l’entourait. Les effets de l’adrénaline commençaient à se dissiper et la réalité la percuta de plein fouet. L’odeur putride des cadavres démembrés par le blizzard ou carbonisés par l’explosion, les corps réduits à l’état de tas de chairs qui gisaient tout autour des ruines du bâtiment, le souvenir des sons de la bataille, toutes ces sensations la submergèrent comme une vague irrépressible.

Asnath se précipita près d’un arbre et alla y vider le contenu de son estomac. Noem’Aeda accourut pour lui venir en aide, quand elle fut près de l’humaine cette dernière se jeta dans ses bras en sanglotant.

- Qu’est-ce qu’il y a Asnath ? demanda doucement la draeneï en essayant de calmer son amie.

- Je ne voulais pas… je ne veux pas…, gémit celle-ci, c’est impossible… c’est… c’est…

Ses mots se perdirent dans de nouveaux sanglots et Noem’Aeda ne trouvait pas le moyen de consoler la jeune prêtresse.

- Mais Asnath, calme-toi ! s’exclama la mage qui ne comprenait pas un traître mot de ce que lui disait l’humaine, tu n’as plus rien à faire, on a gagné.

- Ne t’en fais pas, répondit Ellécnite qui venait de les rejoindre, c’est sans doute le contrecoup. Asnath, tu m’entends ?

La démoniste claqua des doigts devant le visage de la prêtresse en pleurs, celle-ci ne réagit pas. Il fallut une nouvelle tentative pour qu’Asnath lève les yeux vers la gnome. Son regard vert rempli de larmes la fixait, attendant une parole quelconque.

- Ecoute-moi, demoiselle, continua Ellécnite, c’est fini. Tout va bien, nous nous en sommes sorties, d’accord ? Tu es en état de choc, c’est normal mais ne t’inquiète plus, tu es hors de danger. Maintenant, sèche tes larmes et suivez-moi toutes les deux. Nous manquons toutes de sommeil et la première bataille est toujours une épreuve difficile à vivre, nous devons rejoindre la maison de mon ami avant la nuit.

Noem’Aeda se chargea des affaires de la prêtresse et aida cette dernière à marcher dans la neige. Plus loin devant elles, marchait Ellécnite qui n’emportait avec elle qu’une petite sacoche hermétique dans laquelle se trouvait la Clef des Profondeurs, miraculeusement sauvée.

L’ami de la gnome leur offrit volontiers un toit pour la nuit, ayant apparemment une dette envers la démoniste. Discret, il ne posa pas de question sur la raison de la présence d’une humaine et d’une draeneï si loin de Forgefer et se contenta de demander à Ellécnite s’il pouvait lui être d’une plus ample utilité puis les laissa seules.

Asnath ne mangea pas puis alla tôt se coucher dans la pièce que leur hôte leur avait préparée. Elle fut bientôt rejointe par Noem’Aeda qui s’endormit comme une pierre, bien que roulée en boule pour ne pas se retrouver hors du lit, ce dernier étant taillé pour accueillir au maximum un nain. Ellécnite entra peu de temps après dans la pièce.

- Ça va, Asnath ? demanda celle-ci en s’approchant du lit où était allongée l’humaine.

- Pour être tout à fait franche, non pas du tout, murmura celle-ci, est-ce qu’on a toujours… la même impression ?

La démoniste aux cheveux roses se hissa sur le lit de la prêtresse et attendit un instant avant de parler, écoutant le bruit régulier de la respiration de la draeneï.

- C’est triste à dire mais non. On s’y habitue. Tu vas sans doute faire quelques cauchemars pendant un jour ou deux et tu oublieras. Ce sera d’autant plus facile qu’on ne peut pas vraiment considérer les morts-vivants de la même manière que les autres races d’Azeroth. C’est effrayant de voir à quelle vitesse tout ceci est rentré dans notre quotidien. Il y a une vingtaine d’années, la guerre restait un vague ombre planant toujours trop loin de nous pour que l’on s’y intéresse vraiment, désormais nos royaumes sont ravagés, nos peuples décimés et personne n’est plus à l’abri.

Asnath prit appui sur son coude pour se relever un peu. Elle distinguait à peine la silhouette de la gnome dans la pénombre, seul la légère inclinaison du bord du matelas là où elle se tenait assise trahissait sa présence.

- Ellécnite, as-tu vécu ces années de paix dont tu parles ?

- Oui. Mais elles me paraissent si lointaines, soupira la gnome, lorsque la guerre a commencé, je venais tout juste de me marier. Je pensais que jamais rien ne pourrait venir entacher mon bonheur. J’étais jeune, heureuse de vivre et pour moi le futur était tracé comme un chemin lumineux et joyeux.

Ellécnite soupira longuement, il était évident qu’elle n’aimait pas parler du passé.

- J’avais tort, reprit-elle, le malheur n’atteint pas que les autres et cette guerre en a fait notre quotidien tandis que le bonheur est devenu exception. Mon époux est parti pour renforcer les rangs de nos armées face au Fléau, il n’en est jamais revenu. Je n’ai même pas pu le voir une dernière fois, on m’a dit qu’il avait été incinéré afin de ne pas pouvoir être ramené à la vie par un nécromant. Mon chagrin était tel que j’ai décidé de faire payer moi-même aux responsables. Mon désespoir et ma haine étaient si profonds que j’ai commencé à apprendre les secrets de la magie démoniaque et je me suis jointe aux forces de l’Alliance. Je pensais que seule la vue de mes ennemis se tordant de douleur sous l’emprise de ma magie pourrait m’aider à faire mon deuil, à assouvir ma vengeance. Mais ce n’était qu’un cercle sans fin.

- Qu’est-ce que tu entends par là ?

La démoniste lissa un pli inexistant sur le bas de sa robe qui avait souffert pendant la bataille et commença à refaire une de ses couettes.

- Ce que je veux dire c’est que plus je me battais, plus je voyais près de moi tomber des camarades et plus je voulais me battre pour les venger eux aussi. J’ai vu des massacres de villages entiers dont la plupart des habitants étaient relevés dans la mort pour venir grossir les rangs du Fléau. Ces visions me hanteront toujours et pour moi chaque ennemi terrassé, c’était une âme qui pouvait trouver le repos. J’étais tellement loin de la vérité… Lorsqu’enfin nos frontières ont été sécurisées, je me suis retrouvée seule. Mes amis d’autrefois ne me reconnaissaient plus, plus personne ne se souvenait de moi. Puis Gnomeregan a été irradiée. J’ai décidé de me consacrer entièrement à la recherche d’une solution et d’utiliser la dernière invention de mon défunt mari dans le but de sauver notre cité.

- La Clef des Profondeurs ?

- Oui, je l’ai retrouvée en retournant au laboratoire. Toutes ces machines que tu as vues étaient ses créations, je n’ai fait que les améliorer. Quand j’ai redécouvert la Clef, j’en ai tout de suite parlé à nos dirigeants et il a été décidé que je serai la gardienne de cette relique, expliqua la démoniste, à l’époque, les Elfes de la Nuit venaient de révéler l’existence de la Larme, protégée par une de leurs jeunes chasseresses. C’est là que Tassanya et moi nous sommes rencontrées. Depuis, j’ai passé tout mon temps dans le laboratoire, à perfectionner ma magie et les inventions de mon époux disparu. Mais l’heure est venue pour moi d’assumer mon rôle de gardienne. Je suppose que si on nous a fait nous rencontrer, Tassanya et moi, c’est pour que nous puissions nous venir en aide l’une l’autre. Mais je vais te laisser Asnath. Demain sera un autre jour. Regarde Noem’Aeda, renchérit Ellécnite en désignant la draeneï qui dormait à poing fermé, elle arrive à surmonter cette épreuve, pourquoi pas toi ?

- Noem’Aeda a vécu la destruction de son monde, de son peuple et de sa famille. Je ne vois vraiment pas ce qui pourrait désormais la faire souffrir plus, répliqua l’humaine.

- Je pense que si elle venait à te perdre, elle en souffrirait bien plus que tu ne l’imagines. Bonne nuit Asnath.

Asnath se rallongea et observa son amie mage dont la poitrine se levait et s’abaissait doucement au rythme régulier de sa respiration, puis elle s’endormit à son tour.