C'était sans aucun doute les deux premiers mots elfiques qu'elle prononçait. Quand elle saurait à quoi ils étaient destinés, ils s'enracineraient à jamais dans sa mémoire. Laissant les deux femmes confortablement installées, je sors de la maison et part à la recherche d'une bûche. Au bout d'un moment, j'en trouve une de dimension parfaite. Longue d'un bras, parfaitement ronde, d'un diamètre conséquent, elle fera un artefact de premier ordre. Lorsque je pénètre dans la maison, Dame Anette s'est assoupie et Dryana répète sans cesse sa litanie sur un air de comptine enfantine. Avec mon fardeau je me dirige vers la cheminée. Le foyer est propre et bien entretenu, surement nettoyé régulièrement. Un petit feu brule au milieu de l'âtre dégageant assez de chaleur pour la pièce du bas permettant le chauffage d'une bouilloire d'eau. Tendant le bras gauche, j'incante rapidement. Sous l'effet d'une chaleur aussi infernale que soudaine, le feu disparaît instantanément. J'installe en lieu et place ma bûche et demande à Dryana de se taire. Comprenant qu'elle va assister à un phénomène inconnu, elle obéit de suite et se place à mon coté. Posant mon index sur mes lèvres je lui intime l'ordre de rester silencieuse. Accroupi face à la pièce de bois je commence à psalmodier. Au début rien de visible ne se passe, puis peu à peu la bûche s'enflamme. Le bois se met à rougir, de petites flammes courent sur toute la longueur de la bûche, une chiche chaleur se dégage mais aucune fumée. Je me tourne vers la jeune fille et esquisse un sourire.

  • Répète trois fois le premier mot, lentement et distinctement.

                                 Sans poser de question et en regardant la büche elle s'exécute. Au premier le feu s'intensifie un peu, au deuxième la chaleur apparaît et au dernier un feu correct brule dans la cheminée.

  • L'autre mot maintenant !

A chaque prononciation le feu baisse d'intensité.

  • Mais si je me trompe, si je fais baisser le feu en dessous du minimum, il va s'éteindre !!

  • Ne t'inquiète pas. Je vais mettre des sécurités. Le feu ne s'éteindra plus jamais mais ne pourra non plus dépasser une certaine chaleur. Il n’incendiera pas la maison non plus. En tout cas ce qui est certain c'est que pour vous la corvée de bois est terminée.

                               Le soleil étant à son zénith, il est temps de passer à table. Je pioche dans l'une de mes poches quelques pincées de poudre, demande à Dryana de dresser le couvert puis du bout de la table j'effectue une incantation rapide qui réconforte toujours les gens. Face à moi un cercle vert se matérialise. Je demande aux femmes de venir le toucher, et presque immédiatement la table se couvre de victuailles et diverses boisons.
  • Mangez et ne vous privez pas ! Je vais m'occuper de la bûche.

                               Les sorts de protection sont toujours plus difficiles à réaliser que les sorts offensifs. Je mis près de deux heures pour arriver à un résultat parfait. La fatigue se faisant sentir je reprend ma place dans le fauteuil. Dame Anette m'apporte alors une assiette fumante de ragoût de loup et un pichet de bière blonde.

  • Voilà ce que j'ai pu te mettre de coté ! Mange ! Tu en as besoin. Mais dis-moi Burick comment as-tu su d'où est originaire ma petite fille?

  • J'ai voyagé dans bien des contrées. J'ai traversé plusieurs continents, mais tu n'oublies jamais les premiers Elfes que tu rencontres. Le Clan d'Auberdine m'a accueilli comme l'un des siens, et suite à divers services rendus, je suis en excellents termes avec eux. Je connais leurs coutumes et suis maintenant capable de différencier les Elfes venant de Clans différents. Voilà pourquoi j'ai deviné de suite que l'un de ses parents était originaire de Kalimdor. Mais je ne me souvenais pas que tu avais une fille. Son père doit être un grand guerrier pour être venu jusqu’ici. Dame Anette il va me falloir me remettre en route mais avant j'aimerais vous faire un petit présent. Jeune fille !! Fais de la place sur la table..et après dans les placards.

                               Je lance plusieurs incantations rapides et simples, sorts de base que les novices ne mettent que quelques semaines à maitriser. A chaque fin d'incantation un plat conséquent de strudels apparaît sur la table. Devant une telle profusion de nourriture les deux femmes restent abasourdies, les mains devant la bouche et les yeux écarquillés. Après une dernière apparition je me tourne vers elles.

  • Voilà de quoi vous faire tenir quelques temps. Ne vous inquiétez pas, j'ai rajouté une touche personnelle au sort pour que les strudels restent toujours frais. Je vous dois bien ça en dédommagement du vol de toutes vos tartes Dame !.

                                Le baiser de la vieille femme qui claque sur ma joue me fait un drôle d'effet. La joie, la peine, l'amour et la haine m'assaillent de front et en même temps. Des larmes montent à l assaut de mes yeux, trop d'émotions, trop de souvenirs. Non pas encore, pas déjà. A quand remonte le dernier baiser que j'ai reçu de cette façon ? A bien trop longtemps, mais surtout ne pas y penser.

  • Dryana personne n'est éternel. Un jour viendra malheureusement où cette maison sera trop grande et insupportable. Ce jour là, fais tes bagages, rends-toi en ville et prends le bateau pour Rutheran, port de la capitale des Elfes, Darnasus. A ton débarquement, demande à voir Daryn Calmevent. C'est le gardien du Savoir de Cénarius et un ami fidèle. Dis-lui que tu viens de la part de Burick le Diplomate. Tu seras prise en charge et tu seras parmi les tiens.

  • Merci Burick, mais j'espère rester ici encore quelques années.

  • Au moins mon garçon tu m'as rassurée. Dryana ne restera pas seule et elle a encore de l avenir. Mais je vais m'économiser pour vivre encore un peu .

  • Je l'espère bien Dame Anette, et je vous souhaite longue vie et que la Lumière d'Uther vous baigne.

                                En me tournant pour sortir de la maison, j'espère qu’il en sera ainsi, et que si elle consomme une pâtisserie invoquée par jour, elle pourrait gagner quelques années tranquilles, si le Fléau n'en décide pas autrement. Je suis presque à la clôture quand la voix de l'Ancienne m'apostrophe une dernière fois.

  • Burick le Diplomate !!! Tu es Mage de combat n'est ce pas ?

Et voilà, la seule question que je voulais à tout prix éviter. Oui je fais parti de ce clan restreint qui met la magie à la disposition de la Mort. Je n’ai pas choisi cette voie, les évènements m'y ont poussé. Nous ne sommes pas spécialement estimés même si la plupart des gens feignent l'indifférence. Mais je suis un homme de destruction je ne peux le nier.

  • Oui, Madame c'est un fait !

  • Alors pourrais-tu exaucer le vœu d'une vieille femme meurtrie ?

  • Si cela est en mon pouvoir, tout ce que vous voulez !

  • Lors de la prochaine bataille à laquelle tu participeras, fais-moi plaisir Burick !! Grille un groupe de cette engeance du Fléau pour moi, en souvenir de tous mes amis tombés si loin de chez eux.

  • Alors qu'il en soit ainsi. Je déchainerais les enfers pour les martyrs de Comte de l'Or !

  • Merci voleur de tarte et que les Dieux veillent sur toi.

                              Je détache Eclair de Givre et prend place sur la selle de cuir. Je ne suis pas loin de mon village natal et une boule énorme se forme au creux de mon estomac. Mais je suis décidé, j'ai attendu trop longtemps. Je talonne mon tigre qui part au grand galop vers mon passé.