- A partir d’maint’nant t’as l’droit d’nous aider, déclara Zoorz en raffermissant sa prise sur son bouclier, l’paladin c’est pareil, ta magie s’ra pas un luxe. Dès qu’on voit l’premier cadavre ambulant qui débarque vers nous, on l’détruit l’plus vite possible et on accélère l’allure. La grande, on est encore lo…

La question du guerrier se perdit dans le fracas qui précéda l’apparition d’une dizaine de morts-vivants, émergeant des ruines tout autour des cinq compagnons. Activant simultanément leurs boucliers, Asnath et Noem’Aeda se placèrent dos à dos au centre du groupe afin de soutenir leurs camarades.

Le premier non-mort tomba après avoir reçu un puissant coup de hache de Zoorz qui le coupa en deux. Il fut rapidement suivit par celui qui s’approcha trop près d’Ellécnite et qui fut réduit à l’état de résidu de fusion. Mais pour un qui tombait, deux autres arrivaient des extrémités de la rue pour prendre sa place. Après dix minutes de combat toujours aucune faille n’était apparue dans les rangs des morts-vivants, malgré le nombre impressionnant de corps qui gisaient déjà au sol.

- Nous n’allons pas pouvoir nous battre ainsi éternellement ! cria Nathaël à l’intention du guerrier nain avant d’encaisser un coup de masse à l’aide de son bouclier.

- Noem’Aeda ! Est-ce qu’on est loin d’eux ? demanda la démoniste en anticipant la réaction du nain.

La mage sortit de sa poche son talisman qui scintillait de plus en plus fort.

- On doit être tout prêt ! répondit-elle avant d’envoyer une flèche de givre à un de leurs assaillants.

- Alors on court et on reste groupés ! On pourra pas faire d’mi-tour tant qu’on s’ra pas sortis d’cette rue, cria Zoorz.

Le nain poussa un cri de guerre qui résonna plus fort que le fracas des armes et eut pour effet de déstabiliser les morts-vivants pendant suffisamment longtemps pour que les attaques groupées des trois magiciennes et de Nathaël parviennent à ouvrir une brèche au milieu de la mêlée. Une fois la voie dégagée, tous s’élancèrent vers l’issue de la rue. En voyant qu’ils étaient poursuivis, Noem’Aeda créa une vague de givre qui entrava les assaillants à leurs trousses. La manœuvre de la mage leur permit de regagner du terrain sur leurs ennemis.

Ils débouchèrent, hors d’haleine, sur une petite place sur laquelle se trouvaient d’autres créatures, bien plus nombreuses.

- C’est un piège, dit Nathaël en fauchant un ennemi qui se trouvait face à lui.

- Non, r’gardez, c’est pas nous qui les intéressons !

Asnath envoya un éclair de lumière sur un des non-morts qui s’attaquaient à eux par l’arrière puis se retourna pour voir ce dont le nain parlait. Son cœur manqua un battement quand elle comprit par qui les morts-vivants étaient intéressés.

Au milieu de la masse de créatures du Fléau, accolé au mur d’une maison en flammes, un gros loup gris décimait tout ce qui passait à portée de ses crocs. La jeune humaine reconnu tout de suite Araj, le compagnon animal de Tassanya, mais l’angoisse la saisit lorsqu’elle s’aperçut que ni la chasseresse, ni Omundron n’étaient visibles.

Soudain, Araj fit volte-face et attaqua un mort-vivant qui s’approchait de quelque chose derrière lui. Il brisa la nuque de la créature d’un coup à l’aide de sa puissante mâchoire et se plaça de façon à protéger quelque chose au sol qu’il était impossible d’identifier. Un grognement d’avertissement monta dans la gorge de l’animal quand d’autres non-morts commencèrent à approcher. Mais malgré sa rapidité et sa force, Araj se retrouva vite acculé. Asnath voulu lui venir en aide quand un rugissement bestial se fait entendre, figeant sur place tous ceux qui se trouvaient dans les environs.

Le bruit venait de l’autre côté de la place et bientôt tous purent voir surgirent un ours immense qui balaya d’un puissant coup de patte la dizaine de morts-vivants autour de lui. Rapidement, l’immense animal se fraya un chemin jusqu’au loup qui continuait de protéger la forme gisant au sol. En voyant les marques que portait l’ours, la prêtresse comprit tout de suite qui il était et par là-même la nature de ce que les deux animaux protégeaient.

- Ce sont eux ! cria la jeune femme à l’intention de ses compagnons, nous devons les rejoindre !

Un objet s’écrasa sur son bouclier, l’obligeant à se concentrer de nouveau sur le combat.

- Si nous tentons de passer en traversant la place, nous sommes morts ! répondit Nathaël.

- Dans c’cas on f’ra l’tour ! déclara le nain en parant une attaque, l’paladin et l’démon s’mettent avec moi en première ligne. Les magiciennes vous vous mettez derrière !

Tous prirent les positions que le guerrier avait assignées. Asnath était placée derrière Nathaël, à côté de Noem’Aeda. Ils entreprirent alors de contourner la place en longeant les murs embrasés des bâtiments.

La mage, la démoniste et la prêtresse se chargeaient d’abattre leurs assaillants à distance tandis que les trois autres protégeaient le groupe de ceux qui échappaient aux sortilèges. Pendant ce temps, l’ours et le loup continuaient de massacrer ceux qui s’approchaient à trop faible distance de leurs crocs. Aucun ne semblait avoir remarqué la présence du petit groupe de sauvetage qui se frayait un chemin jusqu’à eux.

Au bout d’un quart d’heure de lutte acharnée, les cinq compagnons parvinrent à atteindre le porche sous lequel étaient retranchés les deux animaux. Une fois arrivés, ils se déployèrent pour soutenir les défenseurs qui commençaient à faiblir. Comme Asnath l’avait malheureusement deviné, ce que le loup protégeait était le corps de Tassanya qui était tombée à terre, blessée.

En voyant la prêtresse s’approcher pour la soigner, l’ours se plaça entre elle et la blessée en un geste protecteur. La jeune femme cru voir la surprise se peindre sur les traits de l’immense animal lorsqu’il la reconnut.

- Asnath, dit l’ours avec une voix que la jeune femme connaissait bien mais eut du mal à accepter venant de la terrible bête, que fais-tu ici ?

- Je fais ce que toute sœur doit faire, Omundron. Je viens à ton secours.

- Tu es folle ! Pourquoi as-tu quitté le couvent ? Réponds-moi Asnath !

Sans dire un mot l’humaine avait contourné le druide pour venir se placer auprès de la chasseresse blessée. Tassanya respirait encore convenablement mais elle était inconsciente. Elle portait une première plaie au flanc qui saignait, mais ce qui inquiétait le plus Asnath était la blessure que l’elfe portait à la tête et qui était à l’origine de son inconscience.

La prêtresse plaça ses mains autour de l’entaille que la gardienne portait au côté et essaya d’oublier sa douleur. Ses maux de tête s’accentuaient de seconde en seconde et il lui était difficile de se concentrer. Elle essaya une première fois d’incanter un sort de guérison, sans résultat.

- Que se passe-t-il ? demanda Noem’Aeda en la voyant ainsi échouer.

- Je n’en ai aucune idée, gémit Asnath en prenant sa tête entre ses mains pour tenter de contenir la douleur, j’ai trop mal, je n’arrive plus à utiliser ma magie. Il faut que nous sortions au plus vite, je n’arriverai pas à m’occuper de Tassanya ici.

Zoorz et Ellécnite se jetèrent un bref coup d’œil qui démontrait une longue coopération en combat.

- On tente la bonne vieille technique ? proposa la gnome en souriant.

- J’osais pas te l’demander.

- Asnath, te sens-tu capable d’incanter un bouclier sur Zoorz et Nathaël ? demanda la démoniste.

- Je ne sais pas si je parviendrais à en faire deux, répondit l’humaine.

- Un seul bouclier pour eux deux devrait être suffisant. Noem’Aeda, j’espère que tu as progressé depuis l’attaque du laboratoire. Zoorz et Nathaël vont attirer les morts-vivants au centre de la place. A mon signal, nous invoquons au même moment un blizzard et une pluie de feu ! Asnath, ton rôle est de protéger nos compagnons qui seront vulnérables ! Omundron, tu prends Tassanya sur ton dos ! Dès que la place aura été un peu dégagée, nous repartons tous vers la sortie. Compris pour tout le monde ?

Tous acquiescèrent et prirent leurs positions. Asnath parvint avec peine à matérialiser un boulier suffisamment résistant pour protéger l’elfe et le nain des sortilèges de leurs camarades puis aida son frère à installer la chasseresse blessée sur son dos. Noem’Aeda et Ellécnite commencèrent leurs incantations tandis que le guerrier et le paladin se ruaient vers le centre de la place, fauchant tout ce qui se trouvait sur leur passage.

Lorsqu’ils atteignirent leur point d’arrêt, tous les morts-vivants avaient détourné leur attention sur les deux combattants qui osaient ainsi se dresser face à eux. C’est à ce moment que les magiciennes achevèrent leurs incantations et l’apocalypse se déclencha.

Si on avait un jour dit à Asnath qu’elle verrait le ciel se déchirer pour cracher la glace et les flammes dans une même pluie de dévastation, sans doute ne l’aurait-elle jamais cru. Cependant, il ne fallut pas plus de deux minutes au blizzard conjugué à la pluie de feu pour nettoyer la petite place d’une grande partie des non-morts qui l’encombraient.

- Maintenant ! cria Zoorz.

Tous s’élancèrent le plus vite possible vers la ruelle par laquelle le groupe de sauvetage était arrivé, profitant du fait que les morts-vivants aient tous été réduits à néant. Mais rapidement les renforts arrivèrent et tandis que tous les sept tentaient d’atteindre une issue le plus vite possible, de nouveaux monstres faisaient leur apparition pour les intercepter.

Quatre gargouilles se jetèrent sur Omundron dans le but d’atteindre Tassanya, cible la plus vulnérable. Le druide sous sa forme d’ours poussa un rugissement à glacer le sang et balaya l’air d’un puissant coup de patte, fauchant une des créatures ailées qui finit écrasée au sol. Voyant que la chasseresse était trop bien gardée, les monstres volants se séparèrent pour harceler les autres membres du groupe.

Asnath fut obligée de reformer des boucliers pour elle-même et Ellécnite, malgré la douleur épouvantable qui l’assaillait. Elle avait l’impression d’avoir la tête coincée dans un étau qui se resserrerait au fur et à mesure. La prêtresse parvint cependant à envoyer une lame de lumière sur une énorme goule qui s’apprêtait à sauter sur Zoorz, lui arrachant un membre. Le nain se retourna et lui fit un rapide signe de remerciement avant de s’intéresser de nouveau au combat.

Tout à coup, les gargouilles s’envolèrent. L’humaine, intriguée, les suivit du regard tout en soignant une légère coupure sur une des pattes d’Omundron, seul type de blessure qu’elle parvenait encore à soigner. Les cauchemars ailés se posèrent sur une des portes qui délimitait les quartiers de Stratholme. En les voyant commencer à attaquer une corde, Asnath comprit tout de suite ce qu’il se passait.

- Elles vont fermer la herse ! cria-t-elle à pleins poumons.

Tous les yeux se tournèrent vers la porte qui permettait de bloquer la rue. Les gargouilles avaient achevé de ronger la première des deux cordes qui maintenaient la grille ouverte. Noem’Aeda tendit la main et un éclair de givre fusa en direction d’une des créatures. Celle-ci l’esquiva de justesse en prenant son envol avec un sifflement de colère. Pendant ce temps, ses semblables achevaient de couper la dernière corde qui maintenait la herse relevée.

- Ellécnite ! Dis à ton démon de retenir la grille quand elle va tomber ! ordonna Zoorz qui se débattait avec plusieurs morts-vivants.

D’un geste de la démoniste, le marcheur du vide traversa la cohue et alla se placer sous la herse juste au moment où celle-ci s’abattait pour bloquer le passage. Le démon leva les bras et parvint ainsi à maintenir une ouverture suffisante pour permettre au groupe de passer.

Les gargouilles poussèrent un cri suraigu et deux d’entre elles se jetèrent sur le marcheur dans le but de lui faire lâcher prise. Elles furent bientôt accompagnées par plusieurs morts-vivants qui avaient compris que leurs proies risquaient de s’échapper. Heureusement, les sept combattants arrivèrent juste à temps pour venir en aide au démon malmené. Zoorz prit la relève du marcheur épuisé qu’Ellécnite congédia en voyant qu’il ne pourrait plus leur être utile.

Nathaël fut le premier à franchir la herse pour ouvrir leur chemin de l’autre côté de la rue. Écrasé sous le poids de la lourde grille d’acier, le nain tentait de maintenir l’ouverture suffisamment grande pour laisser passer ses compagnons.

Asnath était la dernière à passer, protégée par son bouclier et les sorts de Noem’Aeda qui ralentissaient les ennemis à sa poursuite. C’est à cet instant qu’une créature ressemblant vaguement à une mante religieuse se jeta sur Omundron. Bien plus agile que les autres monstres, elle esquiva sans mal les attaques du druide et passa les crochets qui lui servaient de mains le long du corps de Tassanya. En voyant Ellécnite orienter ses attaques sur elle, la créature se dirigea à toute vitesse vers la herse que l’humaine franchissait, comme pour battre en retraite.

Ne comprenant pas la manœuvre du monstre, la prêtresse envisagea de la laisser passer, puis elle vit briller la chaîne en argent à laquelle était pendu un médaillon. Sans prendre une seconde de plus pour réfléchir, Asnath se jeta sur le chemin du nérubi qui la percuta de plein fouet. L’humaine fut projetée au sol plusieurs mètres plus loin, du mauvais côté de la grille. Malgré sa force physique, Zoorz ne put retenir la herse plus longtemps qui acheva de bloquer l’issue.

Encore assommée par le choc, Asnath fut ramenée à la réalité par le bruit des piques d’acier s’abattant sur les pavés, accompagné du cri de Noem’Aeda et du rugissement d’Omundron quand ceux-ci la virent prise au piège de l’autre côté de la porte. En regardant rapidement autour d’elle, la jeune humaine put rapidement voir que sa tentative pour stopper l’énorme insecte avait été un succès puisque celui-ci gisait tout près d’elle. Elle récupéra en vitesse la chaînette d’argent puis analysa sa situation. Celle-ci était plus que mauvaise.

La collision entre la prêtresse et le nérubi l’avait projetée à trois mètres de la porte, sous le porche d’une maison. Ainsi les autres morts-vivants ne l’avaient-ils pas vue, du moins pas encore. En s’examinant, Asnath se rendit compte que l’insecte l’avait blessée, sa manche droite déchirée laissait voir une profonde entaille qui s’étendait de son épaule à son poignet. Rien de grave mais il lui faudrait se soigner avant de perdre trop de sang.

Malgré ses maux de tête qui continuaient de croître, elle parvint de nouveau à incanter un bouclier puis courut jusqu’à la herse derrière laquelle se pressaient ses camarades. De leur côté, le flot de soldats du Fléau semblait s’être tari. Du sien se trouvaient encore des dizaines de créatures que Noem’Aeda et Ellécnite pilonnaient afin de couvrir leur amie.

Asnath se plaqua contre la grille d’acier et regarda le guerrier.

- Qu’est-ce que je dois faire ? demanda-t-elle, trop affolée pour parvenir à crier.

La jeune femme savait que le plus sage était de la laisser derrière, mais elle n’avait pas le courage de le proposer elle-même. En voyant le regard de Noem’Aeda de l’autre côté de la herse, elle sut que la draeneï avait aussi compris quelle décision devait être prise. La mage incanta un nouveau sort qui emprisonna la première ligne des attaquants dans une gangue de glace, créant ainsi un mur pour ralentir leurs semblables et leur laissant un peu de temps pour parler.

- T’essaies de faire l’tour, on vient t’chercher ! répondit le nain.

- Mais Zoorz… tenta de s’opposer l’humaine en regardant l’état dans lequel étaient les morts-vivants qui commençaient déjà à fondre.

- Y’a pas d’mais, tu m’écoutes et tu fais l’tour.

- Asnath ! cria Ellécnite, donne-moi la Larme !

La prêtresse regarda le collier en argent qu’elle tenait à la main et le tendit à la gnome qui l’attrapa rapidement.

- Courage ma grande, ils vont te sortir de là, tenta de la rassurer la démoniste, mais son ton et son visage démentaient clairement ses affirmations.

- Petite sœur… dit l’ours géant en s’approchant, je dois avoir une conversation avec toi, ne trouves pas le moyen d’y échapper d’accord ?

- Oui, Omundron je…

Les paroles de la jeune humaine furent interrompues par le craquement de la glace qui libéra les morts-vivants de leur prison. Asnath se retourna et vit une dizaine de créatures du Fléau avancer dans sa direction.

- Sauve-toi, Asnath ! cria Noem’Aeda en recommençant à harceler de ses sorts les non-morts.

La jeune femme hésita un instant en voyant les larmes qui brillaient dans les yeux de la mage, peut-être était-ce là la dernière fois qu’elles se voyaient.

- Sauve-toi maintenant ! lui ordonna Omundron.

La prêtresse obéit et rejoignit immédiatement une rue perpendiculaire qui semblait déserte. Les morts-vivants se jetèrent à sa suite. Bien qu’habituée à courir dans la forêt de Teldrassil, Asnath ne pouvait pas rivaliser avec ses poursuivants poussés par leur soif de sang. Rapidement, ils gagnèrent suffisamment de terrain pour que la jeune femme puisse entendre le grincement de leurs articulations. Risquant le tout pour le tout, elle fit volte-face et parvint à lancer un sort.

Une vague lumineuse déferla sur les morts-vivants, mais la faiblesse de son instigatrice ne la rendit pas assez puissante pour blesser plus d’une petite dizaine d’ennemis. Reprenant sa course, la jeune femme cherchait une échappatoire. Au détour d’une rue, elle se retrouva face à un cul-de-sac. De nouveau, elle était piégée.

Asnath se retourna et fit face à ses poursuivants. La seule idée qui lui vint fut d’allumer ses paumes, comme elle l’avait fait la veille pour éclairer leur chemin jusqu’à la chapelle. La prêtresse s’était souvenue de ce qu’elle avait ressenti en sondant l’aura du lieu sacré, la Lumière chassant les Ténèbres, cela lui avait donné une idée. La lumière émise par ses mains n’était qu’artificielle, elle n’avait aucune vertu guérisseuse ou purificatrice, mais peut-être pourrait-elle éloigner les morts-vivants, comme le feu éloigne les bêtes sauvages. C’était désormais sa seule chance.

Cependant, même en voyant leur proie nimbée d’une aura qui les blessait jusqu’aux tréfonds de leur âme corrompue, les morts-vivants continuèrent sans hésitation. Asnath intensifia l’éclat de ses mains.

- Arrière ! ordonna une voix glaciale que l’humaine eu du mal à identifier comme la sienne.

Les soldats du Fléau s’arrêtèrent. Étonnée de sa réussite, Asnath prit une seconde pour retrouver son souffle avant de reprendre sa course. Une seconde de trop.

Une fois leur apparente surprise passée, les morts-vivants se remirent en mouvement, s’approchant de nouveau dangereusement de la cible parfaite qu’offrait la prêtresse piégée. Celle-ci accentua de nouveau la lumière qui jaillissait de ses mains à tel point qu’elle finit par être éblouie, sans résultat. Puis vint le moment où l’aura éclatante commença à s’éteindre.

Le mal de crâne d’Asnath lui vrillait la tête un peu plus à chaque seconde et s’accompagnait d’un bourdonnement assourdissant, semblable au bruit d’un million d’abeilles. La luminosité des paumes de l’humaine décrut, puis s’éteignit dans un dernier soubresaut, à la manière d’une chandelle. Débarrassés de cette lumière qui les blessait, les créatures non-mortes accélérèrent et bientôt ne furent plus qu’à quelques mètres de leur futur repas.

Le bourdonnement se mut en palpitation et le monde autour d’Asnath commença à pulser au rythme affolé de son cœur. La tête se mit à lui tourner. Le haut et le bas se mélangèrent et bien le danger semblât imminent, la prêtresse n’avait même plus la force de relever la tête pour lui faire face. Elle n’entendit pas plus le sifflement de l’air derrière elle.

L’épée la frappa entre les omoplates. Heureusement l’arme était émoussée, sans quoi elle aurait sans doute blessé mortellement l’humaine qui fut jetée au sol, au milieu des morts-vivants.

Le bouclier d’Asnath ne survécut pas à cette nouvelle attaque et se volatilisa, laissant la jeune femme sans protection encerclée par une foule de créatures relevées dans la non-mort. Le visage crispé, le cœur battant à tout rompre, la terreur gagna la prêtresse quand elle vit les monstres du Fléau se presser autour d’elle, elle était perdue.

Les images, les sons, tout se bousculait dans sa tête, le bruit des os cliquetant sur les pavés de la ville, les faces déformées par la putréfaction, l’odeur de charogne, l’épée qui s’abattait pour porter le coup de grâce. Asnath ferma les yeux, elle ne voulait pas voir, elle entendit la lame fendre l’air, le ricanement des créatures suffisamment intelligentes pour voir dans ce spectacle une distraction. Puis le bruit du métal frappant le métal.

- D’bout, tu vas pas passer ta vie par terre !

Jamais Asnath ne fut aussi heureuse d’entendre l’accent bourru du nain, ni de voir dans le contre-jour la silhouette de Nathaël qui avait arrêté la courbe mortelle de l’épée. D’un geste fluide, il contourna le mort-vivant qui maniait l’arme et, bien que ce dernier semble être plus aguerris que ses semblables, le décapita d’un coup. Pendant ce temps Zoorz s’était occupé des autres créatures attroupées autour de la prêtresse, les fauchant de la même manière qu’un paysan faisant sa récolte.

L’elfe se baissa au niveau de l’humaine.

- Et de un, plus qu’une…

Le paladin n’eut pas le temps d’achever sa phrase, la prêtresse l’ayant rapidement attiré vers elle pour lui faire éviter la serpe qu’une créature, sans doute autrefois un fermier, venait de lancer. Roulant sur le côté, Nathaël et Asnath se mirent hors de porté et l’elfe sauta rapidement sur pied.

- Je… crois… que l’on devrait… arrêter de compter… articula la jeune femme, essoufflée.

- Ça pourrait êt’une bonne idée ouais ! cria Zoorz qui se démenait avec deux goules plus hautes que lui d’un bon mètre, maint’nant qu’on t’a r’trouvée, on court !

Nathaël aida l’humaine à se relever et tous trois quittèrent le cul-de-sac en courant. Zoorz les guidait au hasard des ruelles, la plupart des herses ayant été abaissées par les gargouilles.

Enfin, ils parvinrent sur une place adjacente au mur d’enceinte de la ville. Dans le rempart était percée une ouverture qui donnait sur l’extérieur. La lourde grille qui bloquait l’issue était fermée par un verrou.

- Une chance qu’j’ai d’mandé la clef à la p’tite furie, dit le nain en fouillant dans ses poches.

L’attaque surprise pour sauver Asnath avait permis de gagner quelques précieuses minutes sur les morts-vivants de Stratholme à leur poursuite. Mais le temps ne jouait pas en leur faveur et malgré les efforts du nain, le verrou résistait à la clef.

- Que se passe-t-il ? demanda Asnath en voyant le guerrier s’échiner sur la serrure pendant que Nathaël protégeait leurs arrières.

- J’sais pas c’que c’est qu’c’te camelote mais ça s’ouvre pas !

Le nain lâcha un juron. C’est alors qu’un flot de morts-vivants envahit la place. Parmi eux se trouvaient deux abominations et une créature fantomatique à l’apparence féminine.

- Tentez de protéger votre esprit, prévint l’elfe en désignant le fantôme, si vous n’y parvenez pas la banshee se fera un plaisir d’en prendre possession.

- Combien de temps Zoorz ?

- J’sais pas, répondit le nain en forçant sur le verrou.

La clef se brisa net dans la serrure. Les trois compagnons se tournèrent vers les morts-vivants qui arrivaient, bien trop nombreux.

A l’entrée de Stratholme, une démoniste, une mage, un druide et une chasseresse inconsciente s’éloignaient à toute vitesse. Noem’Aeda refusait d’abandonner son amie et Ellécnite était obligée de la tirer de toutes ses forces. Les bruits s’élevant de l’intérieur de la ville damnée ne laissaient rien présager de bon quant à ce qui s’y passait.

Alors le bruit d’une explosion déchira l’air. Lorsque ses échos se furent éteints, le silence revint enfin sur Stratholme.