- Que comptes-tu faire maintenant ? demanda-t-elle.

Asnath haussa les épaules. Elle n’en avait aucune idée.

- Je vais déjà aller voir si quelqu’un n’aurait pas des informations à propos d’une femme nommée Iuraes Mégathym qui serait venue il y a une vingtaine d’années avec les premières expéditions humaines en Kalimdor. Reïna m’a un jour dit que j’avais été abandonnée quelques mois après la bataille du Mont Hyjal. Et toi que vas-tu faire ?

- Essayer de trouver mon frère, ou un des miens. Normalement les ambassadeurs de mon peuple ont une maison que nous avons achetée pour loger tous les draeneïs envoyés en mission auprès de Dame Portvaillant.

- On se sépare donc à l’entrée de Theramore ? s’enquit Asnath.

- Pas besoin de fondre en larmes Asnath, répondit Noem’Aeda, nous allons tout d’abord faire un tour en ville et repérer l’auberge. Nous y laisserons nos montures, après avoir payé une chambre. Alors on ira voir sur les quais s’il est possible de monnayer les quelques trucs qu’on a trouvés en chemin. Je pense par exemple que le caillou sur lequel tu as trébuché pourrait avoir un bon prix.

Asnath sortit de sa poche la pierre en question. Elle savait que le terme de caillou était une marque d’ironie de la part de Noem’Aeda. La prêtresse avait en effet perdu l’équilibre quelques jours auparavant, en se prenant les pieds dans une grosse pierre où l’on pouvait voir étinceler à plusieurs endroits des éclats de diamant, une chance pour les deux amies qui n’avaient pas un sou.

- Enfin, continua la mage, une fois que nous aurons de nouveau quelques pièces en poche, nous nous séparerons. Qu’en dis-tu ?

- J’en dis que nous allons profiter de nos derniers instants de sérénité. Regarde le monde qu’il y a là-dedans et une majorité d’humains en plus.

- Asnath, soupira son amie, je te promets qu’ils ne jetteront même pas un œil sur toi. Tu es une simple humaine qui voyage avec son amie draeneï. Des gens comme nous il y en a des milliers, alors s’il te plaît ne t’inquiète pas.

Comme le lui avait dit Noem’Aeda, personne ne prêta attention aux deux cavalières. Les gardes de l’île étaient adossés à la porte, leurs armes bien en évidence afin de dissuader les éventuels fauteurs de troubles mais ils ne semblaient pas avoir envie de s’en servir. Après avoir demandé leur chemin à une des sentinelles, Asnath et Noem’Aeda trouvèrent l’auberge et continuèrent leur chemin à pied. Elles s’arrêtèrent devant plusieurs échoppes avant de trouver un acheteur pour le diamant d’Asnath qui, après d’âpres négociations menées par la draeneï, leur en donna vingt pièces d’or. Fière de son butin, Noem’Aeda utilisa la part qui lui revenait pour s’acheter un livre de sortilège ainsi qu’un bâton.

- Parce qu’on ne sait jamais, avait-elle répondu quand Asnath lui avait demandé l’utilité de l’arme.

Asnath en revanche ne dépensa que quelques pièces pour s’acheter de nouveaux vêtements car les siens avaient souffert pendant le voyage et restaient quand même un peu voyants. Une humaine habillée comme une sœur d’un couvent elfe n’était pas des plus discrètes. Elle garda le reste dans une petite bourse qu’elle avait achetée avec ses habits.

Vint alors le moment de la séparation tant redoutée par la prêtresse. Les deux amies s’installèrent sur les docks, assises les pieds au dessus de l’eau. Elles avaient acheté des poissons grillés à un marchand ambulant et terminaient leur repas en regardant les marins décharger un navire venant de l’autre côté de la mer.

- Voilà, c’est maintenant qu’on se dit adieu, commença Asnath en ôtant une arrête d’un morceau de poisson avant de l’avaler.

- Je ne pense pas que ce sera un adieu, ma petite prêtresse préférée. Déjà parce que sans moi à tes côtés, je suis sûre que tu serais capable d’aller te faire tuer en essayant de sauver quelqu’un. Ensuite parce que cette ville ne me plaît pas trop, c’est trop bruyant, il y a trop d’odeurs,… Et puis, aller c’est parti sortez les mouchoirs…

Noem’Aeda se retourna vers Asnath et la regarda avec des petits yeux suppliants.

- Je crois que je t’aime bien Asnath, minauda-t-elle.

L’humaine et la draeneï éclatèrent de rire et restèrent à se tenir les côtes pendant plusieurs minutes, intriguant les passants.

- Voilà ce que je te propose ma petite naïve. Nous nous séparons. Tu recherches des informations possibles à propos de tes parents, moi je retrouve mon petit frère et je lui explique que je pars à l’aventure. Sur ce nous nous retrouvons demain matin et je te suis jusqu’au bout du monde s’il le faut. Du moment que tu me promets deux choses.

- Lesquelles ?

- Premièrement, exposa la mage, tu ne remets plus jamais en cause mon appartenance au peuple des Draeneïs même si je te semble différente de ceux des miens que tu pourrais rencontrer. Et à partir de maintenant tu arrêtes d’avoir peur de tous les gens que tu vois.

- Et si jamais je venais à ne pas tenir une de ses promesses ? demanda la prêtresse plus amusée qu’effrayée.

- Alors tu subirais le courroux de la plus extraordinaire mage qui soit et tu recevrais le châtiment qui échoit à ceux qui me défient, déclara Noem’Aeda sur le ton d’un juge prononçant une sentence.

- Par la lumière, je crains le pire quant au châtiment en question, ironisa Asnath.

- Et tu fais bien, continua de plus belle son amie qui gonflait sa poitrine pour essayer de rendre sa voix plus profonde, en vain. Ta punition serait de ne plus jamais jouir de l’honneur de ma compagnie.

- Oh, je vous en supplie grande mage, c’est une sentence bien trop lourde que mon pauvre petit cœur ne pourrait supporter. Mais sérieusement tu le ferais ?

Noem’Aeda braqua ses yeux perles sur Asnath et, sans prévenir, la poussa brutalement dans le dos, la faisant basculer. L’humaine poussa un cri en se sentant tomber vers l’eau mais elle chuta lourdement sur une plaque de glace qui se trouvait à la surface. La mage avait pris soin de créer un petit îlot gelé pour recueillir son amie dans sa chute et était en train de se tordre de rire sur le ponton.

- C’est malin, répliqua Asnath, et comment je remonte maintenant ?

- Tu rames avec les mains jusqu’à la rive, répondit Noem’Aeda les larmes aux yeux. J’avais peur que tu ne saches pas nager, et il était hors de question que je me mouille pour aller te chercher.

- Je te remercie, rétorqua la prêtresse en se mettant debout sur la plateforme instable pour atteindre le quai sans faire le tour, je sais parfaitement nager. Je ne pense pas que tu sois au courant mais on peut apprendre à nager en haut d’un arbre géant, il suffit de trouver un lac.

Asnath tendit la main et attrapa celle de la draeneï qui l’aida à remonter.

- Non, vraiment, poursuivit la prêtresse en reprenant pied, tu serais vraiment prête à m’abandonner en pleine nature ?

- Bien sûr que non, si je décide de partir avec toi ce n’est pas pour te laisser tomber à la première des petites réflexions que tu ne manqueras pas de me faire.

Elles entendirent alors l’église de la ville sonner et décidèrent de se séparer, se donnant rendez-vous le lendemain le plus tôt possible à l’entrée de Theramore. Asnath prit le chemin de la ville tandis que Noem’Aeda alpaguait un draeneï pour lui demander où se trouvait l’ambassade que les siens avaient installée.

 

Chapitre Seize : L’héritage d’Izdar.

 

Le lendemain matin, Asnath et Noem’Aeda se retrouvèrent comme convenu à la porte de Theramore alors que celle-ci venait d’être ouverte. On voyait sur leurs visages que ni l’une ni l’autre n’avait bien dormi cette nuit-là. Ce fut Noem’Aeda qui prit la parole en premier.

- Bonjour Asnath, dit-elle d’une voix si faible que la prêtresse du tendre l’oreille pour saisir ses paroles, tu as avancé dans tes recherches hier ?

- Non, mais bref passons… Noem’Aeda est-ce que ça va ? Non, oublie ce que je viens de dire. Qu’est-ce qui ne va pas Noem’Aeda ?

Asnath voyait des larmes couler sur les joues de son amie. Soudainement celle-ci éclata en sanglots et se jeta dans les bras de l’humaine.

- Oh Asnath… je t’en supplie dis-moi que je rêve. Dis-moi que nous venons d’arriver à Theramore et que je ne suis pas allée retrouver Izdar.

- Izdar, c’est ton frère n’est-ce pas ? demanda la prêtresse qui commençait à paniquer, Noem’Aeda que s’est-il passé ? Réponds-moi je t’en prie Noem’Aeda.

- Je suis allée à la maison où aurait du se trouver mon frère. Mais… mais… il n’y était pas alors j’ai demandé à un autre draeneï que je connaissais si… s’il savait où je pouvais… trouver Izdar.

Asnath serrait la draeneï secouée de sanglots dans ses bras, ne sachant quoi dire et essayant de comprendre ce que son amie disait.

- Et il ne pouvait pas te le dire, j’ai raison ?

- Oui… parce que… parce mon frère a été tué il y a une semaine dans le marécage…

Les gémissements de Noem’Aeda reprirent de plus belle alors qu’Asnath ressentait en écho la peine de son amie, des larmes coulèrent en silence sur son visage. La prêtresse serra un peu plus fort la mage dans ses bras, tentant en vain de calmer un chagrin qu’elle savait inconsolable.

- Que veux-tu que je fasse ? Demande-moi ce que tu veux, je t’aiderai.

- Je veux aller là où ils l’ont trouvé. Pour voir, ils ne savent pas ce qui s’est passé, moi je veux savoir pourquoi mon petit frère a été assassiné et surtout par qui.

- Alors je vais chercher les montures, attends moi ici. Nous partons dès que possible.

Asnath se dirigea vers les écuries, étonnée de réagir aussi courageusement face à cette situation, elle donna quelques pièces au garçon d’écurie et vérifia que le cheval et l’elekk étaient prêts pour la route. En rejoignant la draeneï effondrée, Asnath jeta un œil vers la tour qui dominait la ville et où elle savait que Jaina Portvaillant résidait. La prêtresse se demanda si la grande mage travaillait déjà à maintenir un semblant de paix dans un monde qu’elle avait connu meilleur.

Une fois qu’Asnath eut retrouvé son amie qui avait séché ses larmes pour le moment, la draeneï et l’humaine montèrent en selle et partirent en suivant les indications que les compagnons d’Izdar avaient donnée à la sœur du défunt. Le chemin fut bref, une demi-heure s’était à peine écoulée que Noem’Aeda stoppait sa monture et descendait, s’enfonçant dans la tourbe du marécage. Asnath préféra mener son cheval sur un petit îlot sec afin de sauver le bas de sa robe puis suivit la mage qui cherchait le lieu exact.

- Tu ne trouves pas étonnant qu’il n’y ait pas d’animaux ? Pourtant en venant je suis sûre d’avoir aperçu plusieurs crocillisques dans le marécage, qu’est-ce qui aurait put les avoir fait fuir d’ici ?

Noem’Aeda ne répondit pas et avança encore plus, s’éloignant de la route. Asnath la suivit en tentant de rester au sec.

- Il y a une atmosphère étrange ici… murmura la prêtresse, tu ressens la même chose que moi ? Je me sens comme oppressée… c’est vraiment étrange

- C’est là, déclara son amie en désignant un arbre ressemblant à tous les autres qui poussaient dans le marécage.

- Comment le sais-tu ?

Pour toute réponse, Noem’Aeda pointa du doigt une dague enfoncée profondément dans l’écorce de l’arbre. L’arme était de belle facture et sa simplicité rajoutait à sa beauté.

- J’ai offert cette lame à Izdar lorsqu’il m’a annoncé qu’il voulait devenir chaman, les larmes coulèrent de nouveau sur la peau bleu de la mage, je lui avais alors dit qu’il lui faudrait quelqu’un pour veiller sur lui. Je trouvais la dague jolie donc je la lui ai offerte, c’était un peu comme s’il m’emportait avec lui. Lorsque nous nous sommes retrouvés en Azeroth, il m’a dit que la dague et moi devions être attirées l’une par l’autre et que tant que, lui, l’aurait, je pourrais le retrouver.

La draeneï prit le manche d’une main et frappa le bois de l’autre en posant sa tête sur l’écorce.

- Et il s’en est souvenu ! Même sur le point de mourir Izdar s’est souvenu que je chercherai la dague alors il l’a laissée pour moi ! Il voulait me laisser un message, sinon mon frère l’aurait gardée.

Noem’Aeda arracha violemment la lame de l’écorce, et soudain jaillit de l’arme un millier d’étincelles. Les étincelles devinrent des flammes qui, après un bref moment, commencèrent à former un être de feu. Ce dernier tourna ses yeux brûlants vers la mage et s’inclina devant elle.

- Je vous salue Noem’Aeda, déclara-t-il avec déférence.

- Tu es un élémentaire invoqué par mon frère ? demanda la draeneï.

- En effet, répondit le brasier animé avec une voix qui ressemblait aux crépitements des flammes, j’ai été invoqué par le chaman Izdar pour être le témoin des événements qui ont amené à son décès. Une fois que ma tâche sera accomplie je m’en irai, voulez vous entendre dès à présent mon récit ? Vous ne pourrez alors me poser que deux questions, une fois celui-ci achevé, avant que je ne m’en retourne dans mon plan.

- Parle, nous t’écoutons.

Asnath se rapprocha de son amie pour mieux entendre le récit de l’élémentaire.

- Izdar m’a invoqué et lié à cette dague peu de temps avant sa mort. Il se savait en danger et craignait que personne ne puisse découvrir la vérité sur sa disparition. Izdar était chargé d’une très lourde mission, je pense que vous saisissez ce que je veux dire. Quelqu’un lui avait donné rendez-vous ici même, soi-disant au sujet de sa mission. Cependant votre frère n’avait pas confiance, il m’a donc invoqué pour que je puisse assister, sans intervenir, à ce qui allait se passer. A peine avait-il planté la dague dans le bois qu’un groupe de dix non-morts est apparu, sortant de partout autour de lui, il était tombé dans une embuscade. Izdar s’est vaillamment battu avant de succomber sous le nombre. Voici ce qui s’est passé.

- Tu ne t’embarrasses pas des détails. Puis-je poser mes questions ?

- Oui.

- Dis-moi ce qu’il est advenu du diadème.

- Les non-morts l’ont trouvé et l’ont emmené.

- Fléau ou Réprouvés ?

- Fléau. Ma tâche est accomplie, je vous laisse.

Sans plus de cérémonie, le brasier animé disparu.