Asnath prit le temps de remplir sa propre chope de jus de baie et de la vider avant de répondre.

- Si j’ai jamais mis les pieds dans les Royaumes de l’Est, je ne m’en souviens pas. En réalité j’ai été élevée par les sœurs d’un couvent qui se trouve sur l’arbre de Teldrassil.

Asnath prit un bout de pain et fit une petite boule avec la mie avant de continuer.

- Je… disons que j’ai été abandonnée là par ma mère. Je ne connais Azeroth que par les minces rumeurs qui nous parvenaient là-bas. Tous ceux que je connais sont des elfes, et le seul humain que j’ai rencontré s’est révélé être un draconide qui a tué ma mère adoptive. Et ce dans l’intention de m’exécuter moi.

Noem’Aeda posa son main sur l’épaule d’Asnath pour la réconforter.

- Je suis désolée pour cette femme, déclara-t-elle, malheureusement tu sais, je ne pense pas que l’on puisse trouver beaucoup de gens dans ce monde qui n’ai pas vécu de près ou de loin un drame tel que le tien. Et donc tu n’as aucune idée de ce qui se passe ailleurs.

- Pas la moindre, si ce n’est qu’il y a la guerre.

La draeneï émit un petit rire sans joie, puis se cala dans le fond de sa chaise et regarda son interlocutrice dans les yeux.

- Si seulement il n’y en avait qu’une, de guerre. Malheureusement elles sont nombreuses, bien trop nombreuses. Quand ce ne sont pas les démons qui s’énervent, c’est le Fléau qui fait des siennes. Et quand tout semble aller moins mal, la Horde et l’Alliance trouvent le moyen de se battre à nouveau. T’expliquer comment on en est arrivé là me prendrait des jours. Pour faire simple, un sorcier humain a un jour ouvert une porte entre ton monde et le mien. De cette porte a surgi une armée d’orcs corrompus par un démon, alors les Humains et les Hauts-Elfes se sont battus pour les chasser. La porte a été fermée, les derniers orcs chassés et enfermés dans des camps pour servir d’esclaves, entre autre. Le problème, c’est que les démons sont coriaces et qu’ils ont trouvé le moyen de nuire à Azeroth une nouvelle fois en créant ce que l’on appelle le Fléau, une armée de morts-vivants. Je te passe les détails mais cette armée est parvenue à détruire le royaume humain de Lorderon, la ville de Dalaran et Quel’Thalas, le pays des Hauts-Elfes, tout en corrompant entre temps pas mal de monde dont un prince humain. Pendant ce temps, les Orcs ont commencé à se regrouper sous le commandement d’un jeune chaman du nom de Thrall et sont partis pour Kalimdor. Là, ils se sont liés d’amitié avec le peuple des taurens et ont fondé la Horde à laquelle se sont rapidement alliés les trolls. Plus tard sont arrivés les rares non-morts qui se sont révoltés contre le Fléau puis ce qui reste du peuple des Hauts-Elfes, rebaptisés Elfes de sang. Côté humain, la destruction d’une grande partie de leurs royaumes les a poussés à s’allier aux Nains, aux Gnomes et aux Elfes de la nuit qui habitaient en Kalimdor et c’est comme ça que s’est formée l’Alliance. Un des chefs des démons, Archimonde, a tenté de s’emparer du pouvoir de l’Arbre Monde au mont Hyjal. Il a été détruit en même temps que l’Arbre durant la seule bataille où Orcs et Humains se sont battus du même côté. Enfin, nous les draeneïs, nous sommes arrivés sur Azeroth après que certains elfes de sang assoiffés de magie nous aient volé la majorité des vaisseaux de notre flotte. Ceci bien évidemment après que l’Outreterre soit devenu le lieu d’exil d’un elfe de la nuit corrompu par une relique démoniaque. Voilà, c’était rapide mais je pense que je n’ai rien oublié d’important. Ça va tu as tout suivi ?

Asnath hocha la tête, le regard vide. Elle n’avait pas vraiment entendu la question de Noem’Aeda. Ses pensées étaient concentrées à démêler tout ce que venait de lui dire la mage. Le monde était bien pire qu’elle ne l’avait imaginé et elle se demandait pourquoi le draconide lui avait dit qu’elle représentait un fardeau. Azeroth avait l’air de recéler des monstruosités bien pire qu’une enfant abandonnée.

- Asnath, ça va ? demanda Noem’Aeda qui la voyait dans cet état.

L’humaine tourna son regard vers sa nouvelle connaissance puis se secoua un peu pour reprendre contact avec la réalité. En voyant que la draeneï s’inquiétait pour elle, elle lui sourit.

- Oui, ne t’inquiète pas, j’essaie d’assimiler tout ça. Bon tu me permets une question maintenant ? Toi qu’est-ce que tu fais ici ?

- Et bien c’est plutôt simple, je pars retrouver mon frère. Tu sais il arrive tous les jours de nouvelles navettes de réfugiés de mon peuple qui nous rejoignent sur cette nouvelle terre d’accueil. Moi je n’ai pas eu beaucoup de chance, j’avais déjà été séparée de mon frère lorsque nous avons quitté Draenor en catastrophe, en plus ma navette s’est écrasée lors de son atterrissage. Sur la centaine de personne qui s’y trouvait, on est dix-huit à s’en être sortis, cinq sans blessures graves. Moi j’avais plusieurs fractures et mes jambes étaient en miettes. C’est à Brume-Azur que j’ai retrouvé mon frère, il venait régulièrement voir si je ne me trouvais dans les nouveaux arrivés. L’afflux d’accidentés avait submergé les soigneurs, qu’ils soient prêtres ou chamans, alors nous étions soignés les uns après les autres. Il m’a fallu trois ans pour retrouver l’usage total de mes jambes, j’en ai profité pour étudier la magie. Maintenant que je peux me déplacer comme avant, je pars retrouver mon petit frère et on avisera après. D’ailleurs est-ce que ça te dirais de venir avec moi ?

 

Chapitre Dix : La carte.

 

Asnath failli s’étouffer avec sa boisson en entendant la question de Noem’Aeda. Les larmes aux yeux à force de tousser, elle jeta un œil à la draeneï pour voir sa réaction. Voyant son visage toujours aussi sérieux, l’humaine sut que sa compagne ne plaisantait pas.

- Tu es sérieuse Noem’Aeda ? Tu me proposes vraiment de t’accompagner ? Je veux dire… ça me ferait vraiment plaisir mais… tu me connais à peine. Tu ne peux pas savoir si tu peux me faire confiance.

- Franchement Asnath, je ne suis pas sûre que tu tiennes très longtemps seule. Ne m’en veux pas, mais je pense que tu es suffisamment naïve pour ne pas distinguer quelqu’un qui veux te demander de l’aide de quelqu’un qui en veux à ton argent. En plus, je dois te l’avouer mais tu m’intrigues, et j’aimerai t’aider.

Asnath réfléchit un moment. Noem’Aeda semblait être quelqu’un de digne de confiance et elle était vraiment sympathique.  Cependant, Asnath avait dans l’idée de prendre tout de suite le bateau pour Hurlevent et tenter de retrouver Omundron et Tassanya. Pourtant, à bien y réfléchir, l’humaine se dit qu’il était temps pour elle de voler de ses propres ailes.

- Et où se trouve ton petit frère ?

- Il a été envoyé en tant qu’ambassadeur de notre peuple sur l’Île de Theramore.

- Qu’est-ce qu’elle a de si important cette île pour que ton frère y ait été envoyé ?

- C’est la seule grande ville humaine de Kalimdor, elle est gouvernée par la mage Jaina Portvaillant.

- Tu as dis quoi ?

- Que cette ville était gouvernée par Jaina…

- Non, avant ça tu as dit que c’était la seule ville humaine de Kalimdor c’est ça ?

- Oui. Puisque pour l’instant ton seul but est de retrouver la trace de ta famille et que tu ne sais pas où commencer ça peut être une bonne idée. Si jamais tu ne trouves pas là-bas, tu pourras toujours prendre un bateau au port pour rejoindre les Royaumes de l’Est.

Asnath sentait son cœur battre un peu plus vite à l’idée de se retrouver plongée pour la première fois parmi les siens. Cependant, la vie semblait lui faire signe pour la première fois depuis le jour de la mort de Reïna en mettant Noem’Aeda sur sa route. De toute façon, elle n’avait rien de particulier à faire.

- Noem’Aeda, ce sera pour moi un plaisir de t’accompagner pour retrouver ton frère à Theramore. Par contre, combien de temps durera le voyage, tu sais pour prévoir les vivres et tout ça.

La draeneï sortit de son sac de voyage une carte froissée qu’elle déplia. C’était une carte complète d’Azeroth, avec l’emplacement des capitales indiqué en plus gros.

- Elle est bien ta carte mais comment tu peux voir les routes ? demanda l’humaine, c’est tout petit.

- Tu sais petite prêtresse, l’utilité des mages, c’est qu’on est capables de créer des objets magiques donc regarde. Si je pose mon doigt sur une région, par exemple Sombrivage où nous sommes actuellement, observe ce qui se passe. Voilà ! La carte se modifie pour ne me montrer que la région en question. Je crois même qu’on peut lui demander l’itinéraire le plus rapide pour se rendre d’un point à un autre et elle nous le tracera en rouge. Maintenant on peut toujours se perdre en se trompant de chemin à une bifurcation mais ce ne sera pas faute d’avoir une carte. Donc voyons voir…

La mage s’éclaircit la voix et prononça une incantation qu’Asnath ne comprit pas même si elle parvint à entendre le nom de Theramore au milieu des autres mots. La carte reprit son aspect initial puis une ligne rouge se traça d’elle-même, traversant le continent de Kalimdor en diagonale d’ouest en est pour s’achever au niveau d’une petite péninsule au bord de la mer.

- Génial, je ne me suis pas trompée dans la prononciation, il parait que mon peuple possède un accent lorsque nous prononçons les incantations. Alors en plus d’apprendre le langage commun, nous apprenons à articuler correctement les sortilèges que vos mages ont créés.

Asnath sourit à l’évocation de la façon étrange que Noem’Aeda avait de prononcer les r et certains autres sons. La voix de la draeneï avait un timbre se rapprochant du ruissellement de l’eau, ce qui changeait de la sonorité résonnante des elfes.

- Et donc, par où ta carte nous fait-elle passer pour rejoindre ton frère ? demanda l’humaine en regardant le trait rouge qui marquait la carte comme une grande cicatrice.

- Apparemment, nous allons devoir partir vers le sud et rejoindre Orneval que nous traverserons vers l’est. Il faudra au bout d’un moment bifurquer vers le sud pour rejoindre les Tarides. Et là ça va se corser vu qu’il faut traverser la moitié de cette région qui est sous le contrôle de la Horde. Normalement il n’y a là-bas que des fermes et des exploitations puisatières mais on ne sait jamais avec ceux là, il paraît qu’ils attaquent tout ce qu’ils voient. Enfin on oblique à l’est pour gagner le Marécage d’Aprefange et on suit la route jusqu’à Theramore. On en a au moins pour deux semaines.