Cependant, la jeune humaine n’avait nullement l’envie d’aller explorer la ville dans un but de loisir. Elle savait que le seul moyen de quitter Teldrassil était d’utiliser le téléporteur qui reliait la capitale au village de Ruth’eran afin de se rendre au port et de rejoindre le continent. Asnath descendit de sa monture afin de pouvoir se déplacer plus facilement dans le dédale de ponts et d’îlots formés par les différents quartiers.

En arrivant au centre même de la cité elfe, l’humaine s’arrêta quelques secondes pour apprécier la vue panoramique qu’elle avait de ce point. Son regard se figea sur le chemin qui menait plus loin au Temple de la Lune et son cœur se serra. Reïna lui avait promis qu’un jour elle l’emmènerait dans ce temple, quand elle parviendrait à maîtriser le dernier sort que la mère supérieure pouvait lui enseigner. Asnath aurait donc du venir bientôt, si Reïna n’était pas morte. Elle décida d’y pénétrer, ne serait-ce que pour honorer la mémoire de celle qui avait donné sa vie pour elle.

Sur le seuil du temple, l’humaine hésita, elle se sentait minuscule face à l’immense statue qui trônait au milieu de la pièce. Quelques servantes du temple s’occupaient des pèlerins qui venaient prier la déesse Elune pour une raison particulière, d’autres devaient méditer dans les niveaux supérieurs du temple, étages interdits aux profanes. Prenant son courage à deux mains, Asnath avança jusqu’à se trouver au bord du bassin dans lequel se déversait l’eau de la vasque que tenait la statue. Elle s’agenouilla et commença à prier puis, laissant libre court à ses émotions, elle se mit à pleurer. Chacune des petites perles d’eau salées emportait avec elle une fraction du chagrin qu’elle s’était efforcée de contenir depuis plusieurs jours. Se vidant ainsi de toute sa peine, la jeune humaine continua de pleurer un petit moment et quand enfin elle se senti mieux, elle se releva et fit mine de sortir.

Son regard croisa alors celui d’une prêtresse elfe qui la fixait, debout près de la rampe qui menait aux étages supérieurs du temple. Asnath se sentit mise à nue par ce regard perçant au fond duquel brillait une sagesse vieille de plusieurs siècles. L’humaine n’osa pas dire un mot, attendant que la prêtresse parle la première, mais celle-ci n’en fit rien. Devant un tel silence, Asnath décida de quitter les lieux. Alors qu’elle allait s’éloigner, l’elfe prit la parole.

- Tu aurais du te débarrasser de tout ce que ton cœur renferme, pas seulement le chagrin. Ce poison que tu garde en toi t’empêchera d’avancer.

Asnath poussa un profond soupir, elle comprenait ce que la prêtresse voulait dire.

- Je sais, répondit-elle simplement, mais pour l’instant c’est la seule et unique chose qui me raccroche à cette vie. Tant que je n’aurai pas d’autre raison de vivre, je préfère celle-ci plutôt que d’errer comme une coquille vide.

Le visage de l’elfe ne laissa transparaîtra aucune expression et elle regarda l’humaine sortir du Temple de la Lune pour récupérer sa monture à l’extérieur et l’emmener à la bride vers l’arche luminescente qui marquait l’entrée du téléporteur.

Asnath prit le téléporteur puis se dirigea dans la foulée vers les quais du village de Ruth’eran. Heureusement pour elle, le dernier bac qui faisait la liaison avec le continent était encore à quai, ce qui lui permit de rejoindre le port d’Auberdine avant la tombée de la nuit. Accoudée au bastingage pour prévenir un possible mal de mer, Asnath regarda s’éloigner derrière le bateau la silhouette de l’arbre de Teldrassil, demeure des Elfes et, encore si peu de temps auparavant, sa demeure.  

Chapitre Huit : Noem’Aeda. 

Contrairement à  ce qu’elle pensait, Asnath n’eut pas le mal de mer et la traversée fut presque agréable. Elle descendit du bateau et récupéra son cheval qui avait été placé avec les autres animaux dans la cale. Elle leva ensuite les yeux vers le ciel et vit le soleil qui enflammait l’horizon de ses derniers rayons, il lui fallait trouver un endroit où passer la nuit.

L’humaine allait demander à un des employés des docks de l’aiguiller quand elle vit un spectacle des plus étranges. Une drôle de créature humanoïde était en train de tirer sur la longe d’un animal massif qui ressemblait aux gravures des éléphants faites dans les livres et qui portait une selle ouvragée sur son dos. L’animal ne semblait pas vouloir avancer et sa propriétaire, qui descendait d’un autre navire, tirait sur la bride aussi fort qu’elle le pouvait.

Asnath remarqua alors la blessure que l’animal portait à sa patte arrière droite. L’humaine s’approcha de la créature à l’apparence étrange et essaya d’attirer son attention.

- Hum, excusez-moi, dit timidement Asnath. Excusez-moi, je…

- Ah sale bête, pourquoi tu n’avances pas ? pestait l’autre avec un accent particulier avant de se rendre compte de la présence de l’humaine, oui qu’est-ce qu’il y a ?

- Et bien votre…  monture est blessée, répondit cette dernière, je crois qu’un tigre a du la prendre pour son déjeuner dans la cale du bateau.

Les yeux brillants de la créature se tournèrent vers Asnath qui était dominée d’une bonne tête puis vers la monture blessée.

- Oh non, ce n’est pas vrai, râla la propriétaire en roulant les r, comment vais-je faire ? Je n’ai vraiment pas le temps d’attendre qu’il guérisse et je n’ai pas l’argent nécessaire pour m’acheter une autre monture.

Asnath toussota pour attirer l’attention de son interlocutrice.

- Excusez-moi mais je suis prêtresse, je connais plusieurs sorts de guérison et la blessure de votre…

- Elekk.

- De votre elekk est superficielle, une simple nuit de repos après le soin de la plaie devrait suffire pour que vous puissiez le monter de nouveau. Me permettez-vous ?

La créature acquiesça et Asnath fit le tour de l’elekk pour poser ses mains sur la blessure. Elle prononça ensuite une brève incantation pour lancer le sortilège. Les bords de la plaie se refermèrent, le sang coagula et la peau se ressouda en ne laissant qu’une fine cicatrice. L’humaine se releva alors et rejoignit la maîtresse de l’elekk.

- Je suis désolée pour la cicatrice, mais sa peau est beaucoup plus épaisse que celle des Humains ou des Elfes, ça devrait disparaître avec le temps.

- Ce n’est pas grave, tu me rends déjà un très grand service. Sais-tu où dormir ce soir ?

Asnath secoua la tête, elle ne connaissait pas le port d’Auberdine et ignorait si comme dans la plupart des villes portuaires, il y existait une auberge. La propriétaire de l’elekk sourit.

- Dans ce cas nous allons toutes les deux à l’auberge, je te paierai le repas et la chambre. Je te dois bien cela après ce que tu viens de faire. Mon nom est Noem’Aeda, et toi humaine comment te nommes-tu ?

- Asnath.

- Asnath comment ? demanda Noem’Aeda.

- Asnath tout court.

- Pas de nom de famille, étrange pour quelqu’un de ta race. Vous portez pourtant souvent un deuxième nom.

- Je n’ai pas la chance de connaître ma famille, répondit la jeune humaine en hésitant à  raconter sa vie à une étrangère.

- Soit, je comprends dans ce cas. Et bien Asnath, je te remercie d’avoir guéri ma monture et t’invite à te joindre à moi ce soir.

Asnath prit le temps de réfléchir à cette proposition puis décida que rien ne l’empêchait de sympathiser avec cette étrange personne.

- C’est d’accord, mais…, Asnath hésita à parler, si ça ne te dérange pas est-ce que je peux te demander ce que tu es ?

Noem’Aeda la regarda avec incompréhension.

- Comment ça ce que je suis ?

- Et bien, l’humaine s’éclaircit la gorge, j’ai toujours vécu parmi les elfes donc le fait que ta peau soit bleue ne me gène pas mais… tes yeux ressemblent à des perles, tes cornes, tes sabots et ta queue, je n’ai jamais vu ça.

Noem’Aeda se regarda sous toute les coutures puis observa Asnath et éclata de rire.

- Dis-moi que tu plaisantes Asnath. Tu n’as jamais entendu parler des Draeneïs ? Cela fait pourtant presque quinze ans que nous avons atterrit en catastrophe sur l’île de Brume-Azur. Nous venons d’un monde très lointain que les tiens nomment l’Outreterre. Nous y avons longtemps vécu avant que la Légion Ardente ne vienne y répandre le chaos. Notre monde a subit le même sort que celui qui était réservé au vôtre. Nous avons donc quitté notre planète comme nous l’avons pu, perdu plusieurs de nos vaisseaux amiraux aux mains des Elfes de sang puis nous sommes posés tant bien que mal à l’ouest de Kalimdor. Depuis nous nous joignons aux forces de l’Alliance afin de prévenir Azeroth de la fin funeste de notre monde. Tu as d’autres questions étranges avant que je ne pose les miennes quand nous serons à table ?

- Une seule, les runes brodées sur tes vêtements laissent penser que tu es adepte de la magie. Laquelle utilises-tu ?

- Je suis une mage. En d’autres termes je maîtrise les sortilèges liés au feu, à  la glace et à la magie arcanique même si mon attirance naturelle reste pour la glace. C’est tellement plus poétique que les flammes bruyantes et sauvages et bien plus facile à apprendre que les sortilèges d’arcanes. Maintenant suis-moi. On va confier nos montures aux palefreniers, et rappelle moi de leur demander de ne surtout pas laisser un tigre dans la stalle d’à côté.

L’humaine et la draeneï  se dirigèrent ensemble vers l’auberge qui, par chance, se trouvait au bout des quais ce qui leur permis de ne pas avoir à traverser le port alors que la nuit était tombée. Noem’Aeda paya deux chambres pour une nuit puis s’installa à une table en compagnie d’Asnath.