Asnath monta sur le bord du balcon et laissa le vent gonfler sa robe de coton blanc. Elle se laissa emporter par le sentiment d’éternité que lui procurait cette sensation, oubliant Omundron, ses parents décédésla peur des autres qui l’étreignait. Seule la douce musique des feuilles secouées par la brise lui parvenait, l’odeur de la mer et la chaleur du soleil couchant sur son visage, séchant ses larmes, étaient ses seules perceptions. Doucement elle commença à murmurer l’incantation qu’elle avait prononcée si ardemment quelques heures auparavant, non plus avec ferveur mais plutôt comme une berceuse destinée à consoler un enfant. Elle voulait fuir, partir très loin d’Azeroth et de ses guerres, loin de la corruption, de la haine et de la folie, elle voulait s’abandonner à quelque chose de bien plus puissant qu’elle. La lumière l’enveloppa, elle sentit son pouvoir courir dans ses veines, ses sens s’en trouvèrent exacerbés. La lumière la guidait, lui montrant tout ce qu’elle ne n’avait jamais pu voir et ce qu’elle ne pouvait percevoir. C’est d’ailleurs ce qui lui sauva la vie.

Asnath entendit le bruit de pas derrière elle, juste derrière la porte qui menait au balcon, puis le son d’une lame qu’on dégaine. La lumière s’éteignit autour de la jeune humaine alors que la peur grandissait au creux de son ventre et elle courut se cacher de l’autre côté de la porte qui commençait à s’entrouvrir. Retenant sa respiration du mieux qu’elle pu, Asnath pria pour que l’intrus n’essaie pas de pousser le battant à son maximum, ce qui aurait pour conséquence de révéler sa cachette. Heureusement, l’homme qui s’avançait furtivement tentait lui aussi de se faire discret et n’ouvrit la porte qu’à moitié, craignant sans doute que celle-ci grince.

La jeune humaine ne fut qu’à moitié étonnée de reconnaître son agresseur comme l’étranger qui était arrivé pendant qu’elle s’entraînait avec Reïna. Ce dernier tenait dans sa main une longue épée dont l’acier reflétait sur les murs la lumière du soleil descendant. Asnath ne mit pas longtemps à réfléchir sur ce qu’elle allait faire. Elle trouva, derrière elle, la pierre qui permettait de caler la porte et la lança de toutes ses forces sur l’homme habillé de noir. Le projectile rata sa cible d’un bon mètre mais cela permit à Asnath d’avoir une brève diversion pour s’enfuir. Elle franchit la porte et commença à courir dans le couvent pour sauver sa vie.

Très vite elle entendit le bruit des pas de l’étranger en train de la poursuivre. Il ne fallait pas qu’elle regarde derrière, si elle parvenait à atteindre la sortie du couvent et à rejoindre la forêt elle parviendrait sûrement à le semer parmi les arbres. Asnath courut plus vite qu’elle n’avait jamais couru, sortit du couvent et s’élança dans le bois. Elle continua à courir, déchirant sa robe dans les ronces, s’écorchant à plusieurs reprises mais elle était tellement effrayée qu’elle s’en rendit à peine compte. L’étranger gagnait du terrain sur elle, elle en était consciente mais ne parvenait pas à trouver d’idée.

A l’orée d’une clairière, elle s’arrêta durant un bref instant d’hésitation puis fit la traversée de la zone à découvert en toute vitesse et se cacha derrière un imposant tronc d’arbre. Asnath entendit les pas ralentir puis le bruit de l’herbe de la clairière foulée par de lourdes bottes. Alors une voix profonde qui semblait surgir d’un autre temps s’éleva dans le silence surnaturel de la forêt.

- Il ne sert à rien de te cacher, je finirai par te trouver. Je te suis par trop supérieur, petite humaine. Allez montre-toi, je te promets que tu ne souffriras pas. Mais tu ne peux être laissée en vie.

L’humaine cachée derrière son arbre tremblait de tout son corps. Elle n’avait aucune envie de mourir par l’épée de cet inconnu au milieu de la forêt.

- Allons Asnath, soit raisonnable, continua l’homme aux yeux pierre de lune, tu ne manqueras à personne et puis tu l’as dit toi-même. Mieux vaut le sacrifice d’une vie plutôt que celui de centaines d’autres.

Un mouvement sur la droite attira l’attention de l’étranger. Sa cible venait de se trahir, plus qu’une question de minutes et sa mission serait un succès complet. Il s’approcha lentement du buisson. Soudain en sortit un tigre sauvage qui semblait décidé à faire de l’inquiétant humain son dîner. Malheureusement pour la pauvre bête, la lame de l’étranger la transperça sans pitié, Asnath profita de cette attaque providentielle pour prendre ses jambes à son cou.

Courant au hasard à travers la forêt, l’humaine regarda derrière elle et ne vit personne. C’est alors qu’elle trébucha et tomba à terre, nez-à-nez avec le corps d’un elfe. Mais cet elfe-là était différent de ceux qu’elle voyait tous les jours, sa peau était de la même couleur que celle des Humains et il était plus petit que ses cousins sylvestres. Sa gorge avait été tranchée et il semblait mort depuis peu. Encore plus apeurée, Asnath avança à reculons, attentive au moindre signe de danger. Mais à force de reculer, elle arriva sur une des branches de Teldrassil qui surplombait le vide et elle fut obligée de revenir sur ses pas.

C’est alors que son poursuivant arriva sur la branche, lui bloquant toute issue. Derrière elle le vide, devant l’étranger, dans tous les cas Asnath était morte. Elle fit face à son agresseur, attendant le moment fatal avec plus de courage qu’elle ne s’en serait crue capable.

- Merci pour cette partie de chasse, dit l’homme en enlevant une brindille restée dans ses cheveux, cela faisait longtemps que je ne m’étais pas autant diverti.

- Ravie d’avoir pu vous aider, maintenant ça vous dérangerez de me laisser rentrer au couvent ?

L’homme éclata d’un rire qui semblait bien trop grave et puissant pour son petit corps d’humain.

- Je suis navré de te répondre que oui, ça me dérange de te laisser passer. Si tu veux savoir pourquoi c’est tout simplement parce que j’ai pour mission d’alléger le monde du fardeau que tu représentes. Pardonne-moi si tu ne comprends pas, mais moi je me comprends et c’est bien suffisant. Maintenant Asnath, prépare toi à rejoindre l’au-delà.

 

Chapitre Quatre : Combat sur la Branche.

 

L’humain aux cheveux noirs corbeau fit un geste ample du bras et lança son épée en direction de la frêle forme recroquevillée contre le bois de l’imposante branche. La lame ricocha contre un bouclier lumineux qui venait de se former autour d’Asnath. C’est alors que cette dernière vit Reïna qui se trouvait derrière son agresseur, elle aussi protégée par un bouclier magique.

La mère supérieure contourna l’homme encore étonné de l’échec de son attaque et vint s’interposer entre lui et sa protégée.

- Bas les masques, reptile sournois ! cria-t-elle à l’humain aux yeux couleur de la lune, montre-moi ton vrai visage que je le vois avant de t’apprendre ce qu’il en coûte de tuer une des sœurs de mon couvent et d’en attaquer une autre !

Asnath comprit alors comment Reïna l’avait retrouvée, l’homme avait tué la sœur qui devait le raccompagner à l’entrée. En voyant cela elle avait du faire le rapprochement avec le fait qu’il ait eu l’air particulièrement intéressé par la jeune humaine pendant sa leçon. Maintenant qu’elle était avec Reïna, Asnath se savait en sécurité.

C’est alors que l’étranger repartit de son rire effrayant.

- Misérable elfe, crois-tu vraiment pouvoir me tenir tête ? Je tuerai la fille sous tes yeux puis je me ferai une joie de te jeter du haut de cette branche. Pendant ta mortelle chute tu auras tout le loisir de te dire que tu n’as pas su la sauver. Et ensuite tu maudiras le jour où tu as accepté de la protéger parce que ce jour-là tu as signé ton arrêt de mort.

Le corps de l’homme aux cheveux noirs commença à se transformer. Il se mit à grandir, sa peau se fit plus rugueuse et des écailles commencèrent à apparaître, son visage s’avança vers l’avant, formant un long museau d’où sortait une langue bifide. Les yeux agrandis par l’effroi, Asnath vit que celui qui en voulait à sa vie n’était pas un simple humain mais un draconide aux écailles couleur d’un ciel d’orage.

Si Asnath était paralysée par la terreur, Reïna en revanche ne semblait pas étonnée. L’humaine l’entendit commencer l’incantation qu’elle-même avait utilisée deux fois cette même journée. La lumière s’enroula autour du corps de la mère supérieure, éclatante, gagnant en intensité. Asnath du protéger ses yeux pour ne pas être aveuglée mais elle parvint à voir le combat qui s’engageait devant elle.

Se jetant sur son ennemie avec toute la fureur dont il était capable, le grand reptile tentait de frapper la mère supérieure des Murmures Brisés à coup de poings alors que cette dernière incantait sort sur sort dans le but d’entamer l’épaisse peau du draconide. L’objectif de l’elfe était simple, elle tentait de maintenir son ennemi éloigné de sa cible le plus possible afin de ne pas compromettre la sûreté d’Asnath.

Cependant, au fur et à mesure que le combat se poursuivait, Reïna et l’agresseur se rapprochaient de plus de l’endroit où se tenait encore Asnath, protégée par le bouclier. La mère supérieure jeta un œil à celle qu’elle avait élevée et, de ce fait, se laissa distraire une seconde. Une seconde fut malheureusement suffisante pour que le draconide récupère son épée tombée non loin de la petite humaine et plante celle-ci dans le corps de son adversaire dont le bouclier venait de s’évaporer sous le coup de la distraction.

- Il suffit, ce petit jeu ne m’amuse plus, dit-il comme s’il prononçait la sentence d’un condamné, puisque je ne pourrai pas m’occuper de la gamine tant que tu seras là, je vais te régler ton compte tout de suite.

Asnath poussa un cri, mais Reïna ne semblait pas décidée, pas encore. Rassemblant toutes les forces qui lui restaient, elle réussi à lancer un sort assez puissant pour déstabiliser le draconide qui perdit l’équilibre et du reprendre appui sur une des ramifications de la branche. Le bois trop jeune et trop frêle cassa provoquant la chute du reptile qui alla s’écraser dans l’océan plusieurs centaines de mètres plus bas. L’elfe s’effondra alors, son sang ruisselait de sa blessure, emportant petit à petit la vie de Reïna avec lui.