Leurs pas étaient ralentis par la poudreuse mais aussi par la crainte de déclencher une nouvelle avalanche à laquelle auraient peu de chance de survivre. Ils parvinrent cependant à atteindre l’origine de la fumée qui continuait de s’élevait et y virent avec stupeur la neige qui bouillonnait sous l’effet d’une source de chaleur située en-dessous. Les deux compagnons comprirent en même temps ce qui se passait et sans se concerter commencèrent à creuser.

La neige en fusion leur aurait sans doute brûlé les mains si Asnath n’avait pas eu l’idée de les protéger par un bouclier et ainsi ils purent rapidement dégager la source de chaleur ensevelie à deux mètres de profondeur, Noem’Aeda. La mage, bloquée sous l’avalanche, n’avait eu d’autre solution que d’utiliser une boule de feu pour essayer de faire fondre la glace autour d’elle et remonter vers la surface. Lorsqu’Asnath et Nathaël la trouvèrent, la peau de la draeneï était glacée et elle semblait pétrifiée de peur mais elle n’en était pas moins vivante.

- Noem’Aeda, tu m’entends ? demanda Asnath en essayant de l’extirper de sa cache enneigée.

- Ou… oui, répondit la mage d’une voix faible en attrapant le bras de Nathaël pour se relever, merci d’être venus me chercher, je ne serais pas arrivée jusqu’à la surface. Le froid commençait à m’engourdir et ma boule de feu s’affaiblissait.

- Nous devons partir, déclara Nathaël en scrutant les alentours, nous ne pouvons pas rester à découvert. Noem’Aeda, es-tu capable de marcher ?

- Oui.

- Alors allons-y sans plus tarder, il me semble qu’il y a une grotte là-bas, poursuivit l’elfe en désignant un relief situé près d’une congère, nous pourrons nous y reposer.

Asnath passa le bras de la draeneï au dessus de ses épaules pour la soutenir et essaya de suivre le rythme de Nathaël qui évoluait plus rapidement qu’elles sur le terrain glissant de l’avalanche.

- Heureusement pour toi, tu connaissais quelques sorts de l’école de magie du feu, dit-elle à la mage.

- Si ce que tu sous-entends est que j’aurais mieux fait de me spécialiser dans ce type de magie, répliqua celle-ci, je te répondrais que mes prisons et entraves de glaces nous ont sauvé plusieurs fois la vie. Et si jamais par je ne sais quel coup du sort, je tombe sur le Roi Liche, je peux t’assurer que je le renverrai directement dans son glaçon pour un bon bout de temps !

- Espérons que nous n’ayons jamais à faire une telle rencontre.

Après quelques pas, les muscles engourdis de Noem’Aeda se réchauffèrent et elle put marcher de nouveau sans appui. Elles purent ainsi accélérer le pas et rattraper Nathaël qui se dirigeait vers la congère. Soudain, le paladin stoppa net et se retourna brusquement. Dans ses yeux brillait une lueur de crainte qui fit tout de suite faire volte-face à ses deux compagnes, et tout se passa très vite.

Asnath n’eut que le temps de voir le mort-vivant hissé sur un affleurement rocheux qui se dressait à quelques mètres d’eux, et l’arc bandé qu’il tenait en main. Ses doigts osseux relâchèrent la corde et la flèche partit, dirigée exactement sur son cœur. Ne possédant pas les extraordinaires réflexes des elfes, la prêtresse ne pouvait rien faire pour éviter le projectile mortel qui filait droit sur elle, pas même incanter un bouclier pour se protéger. Elle ne pouvait que fermer les yeux et attendre.

Elle entendit le bruit mou de la pointe de la flèche traversant la chair et le hoquet de douleur, mais ce n’était pas le sien. Asnath rouvrit les yeux et eut tout juste le temps de rattraper Noem’Aeda qui s’écroulait devant elle, la flèche planté au milieu de sa poitrine. Nathaël arriva à proximité à cet instant et lança de toutes ses forces son épée sur le mort-vivant qui tentait de s’enfuir, le clouant au rocher. Abandonnant là son arme, le paladin se précipita vers l’humaine et la draeneï touchée.

- Je ne peux pas la porter, emmène-la à l’abri, lui ordonna Asnath.

L’elfe acquiesça et souleva la mage comme si elle ne pesait rien, l’emportant vers la grotte qui n’était plus très loin. En voyant son amie dans les bras du paladin, la prêtresse revécut en un instant une scène qui s’était déroulée quelques mois plus tôt. Noem’Aeda et elle au milieu du premier champ de bataille qu’elle ait vu, au milieu des corps des gardiens de la Rune Solaire.

Elle, agenouillée auprès de Nathaël qui avait sombré dans l’inconscience, et Noem’Aeda, lui amenant l’elfe à la jambe arrachée dont le sang coulait le long de sa robe brodée de glyphes. Cette image faisait écho dans sa mémoire avec la vue de la mage dans les bras de Nathaël, son sang poissant l’armure du paladin, et la prêtresse pria pour ne pas avoir à subir l’épreuve d’une fin identique.

Nathaël emmena ainsi Noem’Aeda à l’abri de la grotte qui s’avéra déserte et l’allongea le plus confortablement possible, Asnath les y retrouva quelques secondes plus tard et examina son amie. Le premier constat ne laissait rien présager de bon quant à la suite des événements. La flèche que la draeneï avait reçue était fichée profondément dans sa poitrine et n’avait manqué son cœur que par miracle.

La prêtresse en attrapa la hampe, la brisa et s’apprêtait à la pousser pour la faire sortir à l’arrière quand la mage posa sa main sur la sienne. La jeune humaine leva les yeux vers le visage crispé de douleur de son amie. Celle-ci lui offrit un mince sourire qui se transforma bien vite en rictus sous l’effet de la souffrance.

- Non, s’il te plaît. Ne fais pas ça.

- Si je ne retire pas la flèche tu vas mourir, riposta Asnath.

- Mais si tu le fais… murmura Noem’Aeda, mon sort sera pire…

- Asnath regarde, déclara Nathaël.

Le paladin avait récupéré un carquois plein sur un des corps des soldats qui les avaient attaqués et en examinait le contenu. Il tendit alors l’une des flèches à Asnath qui la prit et l’observa de plus près.. Sous la pointe était accroché un petit récipient de verre remplit d’un liquide qu’elle reconnut immédiatement.

- La Peste… dit-elle à voix basse comme pour se convaincre de la vérité et de ce qu’elle impliquait.

- Une mort assurée pour quiconque est atteint par ces flèches, renchérit l’elfe en brisant une à une les fioles sur un bloc de glace qui fondit en grésillant, comme si l’on avait versé de l’acide dessus.

L’humaine comprit alors l’origine des bruits étranges que faisaient les projectiles qui les avaient ratés et dont les fioles s’étaient brisées en frappant la glace. Celles-ci étaient faites pour se briser si on tentait de retirer la flèche d’une façon ou d’une autre. Le blessé n’avait alors d’autre choix que celui entre la mort et la damnation. Si la flèche avait atteint la draeneï ailleurs, il aurait sans doute été possible de la sauver au prix d’un de ses membres sans doute, mais il n’y avait là aucune échappatoire.

- Et elle m’était destinée… murmura Asnath en détournant le regard vers l’immensité du glacier qu’ils pouvaient voir par delà la congère protégeant la grotte du vent, pourquoi t’être interposée ?

Noem’Aeda ne répondit pas, son souffle rauque brisant le silence qui s’était installé, elle attendit que son amie la regarde dans les yeux pour parler.

- Pourquoi t’es-tu interposée entre le dragon et moi ? répliqua la mage avec peine, il est des choses que nous faisons sans savoir vraiment si notre réaction est raisonnable. Nous les faisons simplement parce qu’elles nous semblent justes et appropriées.

- C’était de la folie ! s’écria Asnath.

- Tout comme venir jusqu’ici dans l’espoir de reprendre les Reliques au Roi Liche. Aucun d’entre nous n’ignorait les risques auxquels nous nous exposions. Aucun n’a sous-estimé les conséquences que pourraient avoir nos actes pour notre avenir, mis à part peut-être toi.

- Pardon ?

- Peu importe, se déroba la draeneï dont la respiration devenait sifflante, nous savons l’une comme l’autre qu’avec cette blessure je n’ai pas beaucoup de temps devant moi. Nathaël, tu veux bien nous laisser ?

Le paladin acquiesça, rabattit le capuchon de son manteau car le temps se couvrait et que la neige commençait à tomber, annonce d’une nouvelle tempête, et sortit monter la garde à l’extérieur. Noem’Aeda tenta de se redresser et s’adossa à un morceau de glace. Elle sortit de sa poche plusieurs objets parmi lesquels Asnath reconnu la dague d’Izdar. En prenant celle-ci, la draeneï la tendit à la prêtresse.

- Je t’en fais cadeau… elle ne me servira plus à rien. Si tu te trouves en danger… j’espère qu’elle pourra t’être d’une quelconque utilité. Mais… souviens-toi… que mon frère ne communiquait pas… qu’avec les esprits du feu.

Asnath n’osa pas lui répondre qu’elle possédait déjà la dague que lui avait offerte son propre frère et qu’elle ne voyait pas l’utilité d’en posséder une autre. Noem’Aeda lui tendit ensuite un cristal rouge sang qui semblait emprisonner des tourbillons de fumée.

- Ceci… continua Noem’Aeda, c’est Ellécnite qui me l’a donné. C’est…

- Non ! se révolta Asnath en reconnaissant l’objet pour avoir vu Ellécnite lui expliquer ce que c’était, range ça immédiatement et oublie cette idée ! Définitivement !

- Asnath…

- Je ne me répèterai pas Noem’Aeda, la coupa l’humaine en se levant brutalement, je refuse que tu enfermes ton âme dans ce… cette chose !

- Il est trop tard pour revenir en arrière, mon amie, répliqua la mage avec une voix grave qu’elle n’avait jamais utilisée auparavant, je l’ai déjà fait.

La prêtresse se planta devant la draeneï blessée et la dévisagea. Pour la première fois, Noem’Aeda parut avoir vécu plus d’un siècle et demi. Ses yeux perles étaient bien plus ternes qu’à l’accoutumée et, malgré tous ses efforts, elle ne parvenait pas à cacher le sang qui s’échappait de sa plaie.

- Quand ?

- La nuit qui a suivi la capture d’Omundron et Ellécnite, avoua la blessée.

La jeune humaine eut un choc en comprenant de quelle nuit parlait son amie. Il s’agissait de celle où elles avaient discuté et où elle avait surpris la draeneï qui s’éloignait du campement. Sa longue absence l’avait alors alertée et l’avait poussée à aller voir ce qui se passait.

- Asnath, poursuivit la mage, il y a trop de choses que je voudrais encore te dire… pourtant je croyais déjà avoir eu le temps de te raconter tout ce que je souhaitais… J’ai besoin de toi… une dernière fois. Aide-moi à me lever.

La prêtresse obéit, consciente qu’elle vivait là les derniers instants avec cette amie qui ne l’avait pas quitté depuis si longtemps. A toute vitesse, leurs péripéties lui revinrent en tête. Leur rencontre aux quais d’Auberdine, le voyage jusqu’à Theramore, la mort d’Izdar, la bataille du laboratoire d’Ellécnite, le convoi pour les Maleterres, Stratholme, la période de paix dans la forêt d’Elwynn, leur départ pour le Norfendre, l’attaque des dragons bleus, le sanctuaire de Bronze.

Puis vinrent les souvenirs plus douloureux de ces dernières semaines, ceux des séparations. Lorsque Zoorz les avait quittés pour rejoindre le Tournoi d’Argent, la capture d’Ellécnite et Omundron et à présent l’embuscade pendant laquelle la draeneï avait été blessée mortellement.

Les larmes embuaient les yeux verts d’Asnath mais elle ne les laissa pas rouler sur ses joues, elle ne voulait pas que Noem’Aeda souffre plus qu’elle ne souffrait déjà. La mage ouvrit une de ses innombrables bourses de composants et dispersa une poudre semblable à de la neige autour d’elle, puis se tint bien droite dans le cercle qu’elle avait ainsi formé. Après avoir pris une grande inspiration, elle baissa la tête vers la prêtresse qui l’observait.

- Ceci, déclara-t-elle en désignant la grotte, sera mon tombeau. Cette poudre va me permettre de m’enfermer dans un cercueil de glace qui ne pourra être brisé que part un très puissant magicien… ou par toi. Je resterai ici à t’attendre, Asnath. Mon âme t’appartiens à jamais, je serai toujours avec toi. Mais si toi et Nathaël revenez vivants… viens me libérer. Je saurai que tu n’as plus besoin de moi.

Asnath parvint à hocher la tête puis elle passa les mains derrière sa tête et décrocha le collier qui portait la Larme d’Elune. Elle le passa autour du cou de son amie, puis lui confia la Clef des Profondeurs.

- Puisqu’il nous faut nous dire adieu, murmura l’humaine et sa voix se brisa en prononçant ces mots, je vais moi aussi te faire un cadeau. Ou tout du moins vais-je te confier une dernière mission. Condamnée à rester éternellement dans ton sarcophage de glace, tu veilleras sur les dernières Reliques en possession des peuples d’Azeroth.

- Ainsi n’as-tu aucune foi en ton retour ?

- Si tu avais traversé les mêmes épreuves que moi, tu saurais pourquoi je n’ai aucun espoir de revenir te chercher.

- Je le sais, déclara la draeneï en resserrant sa prise sur la Clef, alors j’entretiendrai l’espoir pour toi.

La draeneï et l’humaine se regardèrent une dernière fois. Après tant de temps passé ensemble, la jeune femme pensait être capable de tout lire dans le regard de son amie, et pourtant à cet instant elle y vit une nouvelle lueur. Dans ses yeux mats se lisait un mélange de crainte, d’admiration et d’appréhension. Elle se ressaisit très vite et se redressa d’un air solennel.

- Au revoir Asnath, déclara Noem’Aeda d’une voix qu’elle voulait forte, toi qui fut pour moi une sœur. Que la Lumière te baigne.

- Adieu Noem’Aeda, dernière Gardienne. Puisse la Lumière te protéger pour l’éternité.

La mage se raidit, respira profondément une dernière fois, et prononça une longue incantation. A chaque nouvelle phrase prononcée, la poudre brillante renversée au sol se muait en glace qui venait emprisonner la draeneï dans un cocon transparent. Lorsque celui-ci atteignit son visage, elle ferma les yeux pour ne jamais les rouvrir et continua d’incanter. Le dernier mot scella à jamais Noem’Aeda dans un cercueil de glace.

La prêtresse était sous le choc. Tout avait été trop rapide. Ils avaient été pris dans une embuscade, puis dans l’avalanche. Elle avait crut perdre Noem’Aeda pour la retrouver quelques minutes plus tard. Et alors même que le bonheur de l’avoir retrouvée saine et sauve la remplissait d’un espoir nouveau, la flèche du mort-vivant avait brisé en mille éclats les espoirs et le cœur de la jeune femme.

Bien qu’elle eût entendu Nathaël revenir s’abriter dans la grotte, Asnath ne bougea pas pendant un long moment. Elle fixait la draeneï enfermée dans la glace qui ressemblait à une statue de divinité paisiblement endormie. Les larmes coulèrent sur ses joues et gelèrent au contact de l’air glacé, traçant des lignes brillantes sur sa peau. Asnath pleurait en silence, comme elle avait pleuré lorsque Reïna était morte sur ses genoux. Elle avait trop mal pour bouger, trop mal pour réfléchir. Une fois de plus son cœur s’était vu amputé, laissant une blessure à vif dont la douleur la paralysait.

Noem’Aeda lui avait demandé comment elle avait fait pour ne pas se jeter du haut d’une falaise après la mort de sa mère adoptive et elle se demanda si sauter dans une crevasse ne mettrait pas un terme à cette suite sans fin de deuil qu’était son existence. Après tout, leur mission était vouée à l’échec et si elle disparaissait, peut-être que son dernier compagnon, lui, pourrait survivre.

Nathaël la prit alors doucement par la main, se tint à côté d’elle et murmura quelques mots en elfique sans qu’elle put comprendre ses paroles.

- Que faisons-nous ? demanda-t-il enfin.

Seul le silence lui répondit.

- Asnath, insista-t-il, nous ne pouvons pas rester ici.

- Pourquoi pas ? rétorqua la prêtresse d’un ton véhément, mourir de froid ici ou tué par les horreurs du Fléau là-bas, quelle différence ? Je vous ai tous menés à la mort.

L’humaine observa encore un instant le cercueil, puis entrevit son reflet dans le miroir de glace. Dégoûtée d’elle-même et n’éprouvant plus que haine envers cette silhouette qu’elle apercevait dans la glace, elle crut devenir folle. Dans un cri de rage et de désespoir, elle frappa la surface dure comme l’acier de son poing. Ses phalanges se brisèrent sous le choc mais la douleur physique n’était rien en comparaison du vide qu’elle ressentait désormais.

- Pour elle, reprit le paladin en désignant le tombeau de glace, parce qu’elle croyait en toi… pour ne pas qu’elle regrette d’avoir reçu cette flèche.

La prêtresse ne répondit pas, elle avait l’impression qu’un étau enserrait sa gorge, l’empêchant de parler. Puis elle se releva finalement, rangea à l’abri la dague d’Izdar ainsi que la pierre contenant une partie de l’âme de Noem’Aeda, et sortit de la caverne.

- Que fais-tu ? demanda Nathaël en la voyant s’éloigner.

- Je vais demander mon chemin, répondit Asnath en ravalant ses larmes.

En effet, ils ne savaient toujours pas où les Reliques avaient été emmenées ni comment les morts-vivants étaient parvenus à leurrer l’artéfact de Noem’Aeda, mais quelqu’un pouvait lui répondre. L’archer que Nathaël avait empalé sur le rocher n’avait pas bougé, même lui ne pouvait pas se débarrasser de l’épée qui le maintenait fermement fixé à la pierre gelée. En voyant la prêtresse s’avancer vers lui, il éclata d’un rire rauque et malsain puis plongea son regard que la non-vie peinait à éclairer dans celui de l’humaine qui s’approchait de lui.

- Elle est morte n’est-ce pas ? demanda-t-il d’une voix aigre et tout aussi décharnée que lui, la petite mage qui nous pistait depuis le début. Et sans ton limier pour suivre la piste, tu ne peux plus chasser. Comment comp…

Il ne put dire un mot de plus car la main valide d’Asnath s’était refermée sur son cou, s’arrangeant pour lui infliger le plus de souffrance possible.

- Où sont les Reliques ? l’interrogea-t-elle en relâchant son étreinte suffisamment pour lui permettre de parler.

- Elles ne sont plus à ta portée.

La dague gravée de rameaux se retrouva en un instant plantée dans l’épaule du mort-vivant et la jeune femme n’eut aucun scrupule à faire effectuer plusieurs rotations à la lame pour cisailler les chairs. Les soldats du Fléau avaient une grande résistance à la douleur mais ils la ressentaient, et l’idée de faire souffrir l’abomination qui avait tué son amie semblait apaiser quelque peu la souffrance d’Asnath.

Délicatement, elle fit pivoter la dague qui sectionna les derniers ligaments qui maintenaient le bras de son prisonnier attaché à son corps. Le membre coupé tomba mollement sur le sol et la prêtresse entreprit de faire de même avec l’autre bras.

- Je t’ordonne de me répondre, reprit-elle d’une voix glaciale et dépourvue d’émotion.

A sa grande stupeur, elle sentit les muscles du mort-vivant se détendre, comme s’il abandonnait la lutte.

- Elles sont déjà auprès de mon maître, répondit-il avec un regard vague.

- A la Citadelle ?

- Oui. Maintenant fais de moi ce que tu veux, mais tu sais que cela ne ramènera pas ton amie venue d’un autre monde…

En un éclair, la dague d’Asnath trancha net la tête de son prisonnier comme elle l’avait fait de son bras. Le corps s’affaissa en laissant s’écouler un peu de liquide vert le long de son cou décapité. La jeune humaine tourna alors le dos à sa victime et marcha en direction de Nathaël qui venait la rejoindre. Elle le dépassa sans s’arrêter et poursuivit son chemin.

- Prends ton épée ! lui dit-elle.

- Où allons-nous ?

- Là où nous pourrons faire ce pour quoi nous sommes venus. Nous allons à la Citadelle de la Couronne de Glace.