Le matin où le bateau acheva son voyage, Asnath fut réveillé par Omundron alors que le jour se levait à peine.

- Que se passe-t-il ? demanda la jeune femme encore prisonnière des limbes du sommeil.

- Il faut que tu viennes voir, le spectacle est magnifique, lui répondit le druide en se quittant la pièce qui servait de dortoir.

La prêtresse parvint à s’extraire du hamac dans lequel elle avait passé la nuit et se dépêcha de trouver ses bottes avant de monter sur le pont où étaient déjà regroupés ses autres compagnons. Tous étaient occupés à observer la falaise qui s’élevait à la proue du navire.

La paroi rocheuse s’élevait comme une immense barrière bravant l’océan et ceux qui oseraient venir accoster sur le sol gelé dont elle était le rempart. En son centre, une gorge s’ouvrait comme une large balafre dans la roche, ouvrant un passage vers l’intérieur des terres. La pierre de ce chenal naturel, taillée depuis des siècles par le passage de l’eau, semblait lisse et polie. Pourtant, de nombreux sapins parvenaient à y pousser, parsemant les parois grises d’une végétation éparse.

L’équipage du bateau affala plusieurs voiles afin d’empêcher le vent qui s’engouffrait dans la gorge de propulser le navire contre la roche puis continuèrent de remonter le cours d’eau en s’aidant des rames. Ce même vent qui pouvait s’avérait être la mort d’un navire était aussi à l’origine du nom donné au fjord car lorsqu’il s’engouffrait dans les gorges le son qu’il produisait rappelait celui d’un hurlement furieux que l’on entendait dans toute la région.

L’impression de grandeur et de force se dégageant des deux immenses falaises qui se faisaient face poussait le spectateur à garder les yeux rivés vers le ciel, lui faisant prendre conscience de sa fragilité et de sa taille dérisoire. Asnath remarqua plusieurs chemins creusés à même la roche et qui permettaient de joindre le sommet du plateau et la rivière qui se trouvait à des dizaines de mètres en contrebas. De même, on pouvait voir un pont de bois enjamber les gorges, permettant à celui qui ne craindrait pas le vide de se rendre de l’autre côté du précipice.

- Regardez ! cria soudain Noem’Aeda en pointant vers l’endroit où les gorges s’élargissaient de nouveau.

Un bateau en flamme surplombait le début du canyon, maintenu à la poupe et à la proue par de solides chaînes arrimées dans la roche de la falaise.

- Comment a-t-il pu arriver là ? demande Nathaël.

- Je dois t’avouer que je n’ai pas particulièrement envie de le savoir, déclara Asnath, je préfèrerai d’ailleurs que ceux qui ont mis ce bateau ici ne soient plus là depuis long…

L’humaine n’eut pas le temps d’achever sa phrase car devant eux le goulet rocheux s’ouvrait enfin sur un lac niché dans le creux de la falaise, en contrebas du plateau. Ce gigantesque miroir d’eau était cerné de toute part par les immenses remparts de roche et dominé par un imposant donjon qui surplombait les lieux de toute sa hauteur. Sur la rive est, un village aux toits rouges s’était développé sur les flancs même de la falaise. Cependant, vu la vitesse à laquelle le bateau se mit à distance de ces habitations accrochées à la paroi, il était facile de comprendre que ceux qui y résidaient étaient sans doute les mêmes qui avaient suspendu un autre navire à l’entrée de la gorge.

- Valgarde, déclara Zoorz en désignant le village fortifié où leur bateau ne tarderait pas à accoster, c’t’un p’tit avant-poste d’l’Alliance. I’sert surtout à t’nir les Vrykuls à distance, des barbares à la botte du Fléau. On va pas y rester longtemps. Faut juste qu’on s’dégotte des griffons pour r’joindre la Garde d’l’Ouest. Avec un peu d’chance on pourrait y arriver c’soir.

- Dégagez le pont pour nous laisser faire la manœuvre, vint les interrompre un marin qui montait dans les gréements, ou alors mettez-vous avec le timonier à la poupe.

- Allons d’abord chercher nos affaires, ça nous permettra de descendre plus vite, décida Ellécnite en se dirigeant vers le lieu où ils avaient entreposés leurs sacs de voyage.

Chacun rassembla son paquetage puis tous rejoignirent la dunette d’où ils purent observer l’accostage sans gêner l’équipage. Lorsque le navire fut enfin immobilisé et que la passerelle fut jeté entre le pont et le quai, Ellécnite paya le capitaine pour la traversée et les six compagnons regagnèrent la terre ferme. Nathaël se hâta de rabattre sa capuche sur son visage et baissa la tête afin que personne ne remarque la couleur de ses yeux. En Norfendre, il restait quelques Haut-Elfes n’ayant pas succombé à la dépendance à la magie mis ceux-ci s’étaient rangés aux côtés de l’Alliance et demeuraient très durs avec leurs anciens compatriotes.

En le voyant agir ainsi, Asnath eut instinctivement le réflexe de vérifier que ses gants masquaient bien ses mains, en particulier sa paume gauche sur laquelle s’étendait désormais le large tatouage apposé par Ellécnite. La prêtresse lui avait d’ailleurs fait rajouter d’autres symboles afin que l’entaille nécessaire à l’activation du sortilège soit soignée immédiatement après, permettant ainsi de ne pas les affaiblir outre mesure.

Une fois tout le groupe débarqué, Zoorz jeta son sac sur son épaule et s’en fut d’un pas rapide trouver le maître de vol afin de poursuivre leur voyage.

- Cette fois-ci, ce sera une monture par personne, expliqua Ellécnite en suivant le nain, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps par souci d’économie.

Ils rejoignirent le guerrier qui discutait avec celui qui s’occupait des griffons afin de négocier le prix d’un voyage sur ses animaux les plus rapides. Rapidement ils trouvèrent un terrain d’entente et six montures furent apprêtées pour eux. La démoniste sortit de nouveau de sa bourse qui ne semblait jamais s’épuiser la somme due au maître de vol tandis que ses compagnons s’occupaient d’arrimer leurs sacs à l’arrière de leurs selles.

- Noem’Aeda, c’est toi qui va nous guider, décréta la gnome aux couettes roses, tu as la carte et le soleil vient de se lever donc tu sais où se trouve l’est. Mets-toi en tête avec Asnath. Les autres, on se répartit derrière elles !

- Prenez garde d’éviter de survoler les villages vrykuls tout autant que ceux de la Horde, leur conseilla le maître des griffons, les uns ont des lance-épieux d’une redoutable efficacité, les autres leurs tourelles de défense. Le mieux est que vous voliez au dessus des plaines, si quelqu’un essaye de vous descendre il sera à terrain découvert. Et méfiez-vous des dangers du ciel comme de ceux de la terre, les airs ne vous sont pas réservez.

Il était évident que l’homme avait déjà perdu plusieurs bêtes dans de semblables trajets, ce pour quoi il leur donnait tant de conseils avisés. Les six compagnons le remercièrent et les griffons prirent leur envol. Noem’Aeda et Asnath en tête du groupe, ils prirent rapidement de l’altitude afin de quitter Valgarde et ses environs et rejoindre le plateau.

Dès qu’ils quittèrent l’abri des gorges, le vent fut la première rencontre que le groupe fit. Le plateau était balayé par les vents marins qui soufflaient avec une grande force sur la steppe qui s’y étendait. Les plantes semblaient cependant adaptées à ce climat, aussi la majorité des grands arbres qui poussaient dans le Fjord étaient des conifères, le reste de la végétation étant composée d’arbustes de taille bien plus modeste. Le sol était partout recouvert d’une herbe rase et séchée par le sel que le vent transportait depuis la mer et qui embaumait l’air d’une saveur particulière.

Noem’Aeda se pencha sur sa carte puis chercha le soleil des yeux. Elle fit virer sa monture afin de se trouver dos à l’est et enfonça ses genoux dans les flancs du griffon pour le faire avancer vers l’ouest. Ils continuèrent ainsi pendant une heure et, alors que la mer était de nouveau en vue au pied des falaises du Fjord, la draeneï changea de cap et prit au nord en suivant une route terrestre.

- Si nous continuons à prendre pour guide cette route, expliqua la mage, nous arriverons au Donjon sans rencontrer de village. Il faudra cependant faire attention à ne pas virer trop rapidement vers le nord-ouest, au risque de survoler Etreinte de Braise.

Les six compagnons suivirent donc les indications de Noem’Aeda et prirent le chemin qui menait vers le nord. Asnath leva les yeux et tomba sous le charme du spectacle qu’elle vit au dessus d’elle. Le bleu du ciel était barré par un immense ruban irisé aux couleurs chatoyantes qui ondulait comme un serpent. La prêtresse n’avait jamais vu d’aurore boréale, mais elle avait eu vent de leur existence dans un livre. Elle ne savait pas ce qui était à l’origine de cet incendie du ciel et peut-être valait-il mieux qu’elle ne le sache jamais, au risque d’en rendre la vue moins exceptionnelle.

La jeune humaine aperçu alors au milieu du serpent de lumière une tache sombre et vaporeuse, un nuage de fumée épaisse qui masquait une partie du ciel. En cherchant l’origine de ce qui entachait son spectacle, son regard se porta sur une grande forêt en proie à un incendie. Dans le ciel au dessus du brasier, de gigantesques oiseaux tournoyaient en masse, comme affolés.

- Il faut aller voir si quelqu’un est prisonnier de l’incendie ! s’alarma Asnath.

Tandis qu’elle s’apprêtait à lancer sa monture dans la direction, Noem’Aeda en attrapa les rennes et l’empêcha de partir. Lorsqu’Asnath jeta un regard interrogateur à son amie, celle-ci désigna les animaux qui volaient au dessus de la forêt incendiée.

- Ce ne sont pas des oiseaux et je pense que si la forêt est en flamme c’est en grande partie de leur faute. Plus personne ne doit vivre ici depuis longtemps et le village qui s’y trouvait a toujours appartenu aux peuples d’ici. Tu comprends ce que je veux dire ?

La prêtresse examina de nouveau les créatures ailées qu’ils apercevaient au loin et remarqua qu’il s’agissait de ce qui s’appelait des proto-drakes, des animaux ressemblant à des dragons primitifs. Ils étaient plus petits et bien plus massifs et sauvages que leurs lointains parents. Alors que le groupe contournait de loin Etreinte Braise et sa forêt en proie aux flammes, tous purent voir les proto-drakes cracher des jets de feu pour incendier les rares arbres qui étaient parvenus à leur échapper.

Une fois le danger d’Etreinte Braise dans leur dos, ils arrivèrent enfin en vue du Donjon de la Garde de l’Ouest. C’est à ce moment que Zoorz se porta à la hauteur de Noem’Aeda.

- Tu nous emmène pas dans la ville, lui dit le nain.

- Si pourquoi ?

- C’t’tait pas une question, la grande. L’convoi nous attends d’l’autre côté du pont au nord du donjon.

- Mais où allons-nous laisser les griffons et récupérer des montures terrestres ? demanda Asnath.

- Tout est d’jà prévu, t’inquiète pas pour ça gamine. Y a quelqu’un là-bas qui s’charge d’nous amener c’dont on a b’soin et d’ramener les bêtes.

- Mais pourquoi le convoi nous attend-t-il à l’extérieur ? intervint Nathaël.

- Pourquoi est-ce qu’tu dois porter une capuche ? répondit le guerrier.

Tous fixèrent Zoorz avec un regard où se mêlaient l’étonnement et l’incompréhension. Le nain haussa les épaules.

- M’regardez pas comme ça ! L’seul convoi d’la Croisade qu’j’ai trouvé est composé d’membres d’la Horde, c’est pas d’ma faute !

- Mais comment veux-tu que nous les comprenions ? demanda Noem’Aeda, je suis désolée mais je ne fais pas suffisamment confiance à Nathaël pour le laisser tout traduire.

- Qui te dit que j’aurai accepté de traduire ne serait-ce qu’une seule de tes paroles ? répliqua le paladin d’un ton acerbe.

- Cessez vos querelles, intima Omundron en les rejoignant, il n’y aura aucun souci avec les problèmes de la langue puisque tous les membres de l’Aube ou de la Croisade d’Argent se voient remettre dès leur enrôlement un parchemin leur permettant d’apprendre le langage orc ou le commun.

Dès qu’elle entendit les paroles du druide, la draeneï se tourna immédiatement vers Zoorz.

- Tu sais parler l’orc ? demanda-t-elle au comble de l’étonnement.

- Oui, j’ai jamais trop pratiqué mais j’en sais assez pour comprendre une conversation, répondit le nain.

- Pourquoi ne jamais nous l’avoir dit ? s’enquit Asnath.

- Parce que ça a jamais eu aucune utilité jusqu’à maint’nant. Ça vous aurait fait une belle jambe d’savoir qu’je parle l’orc.

- Noem’Aeda ! cria Ellécnite qui était restée seule à l’arrière du groupe, si au lieu de tenir un salon tu regardais où nous allons tu verrais que nous nous dirigeons vers l’océan !

Asnath regarda devant elle et vit en effet qu’ils se dirigeaient tout droit vers les remparts du Donjon de la Garde de l’Ouest. Noem’Aeda observa les alentours et repéra rapidement le pont dont avait parlé Zoorz, tous mirent alors le cap vers son extrémité nord où se trouvait le point de rendez-vous.

Lorsqu’ils se posèrent enfin, le soleil était de nouveau bas au dessus de l’horizon et ne tarderait pas à se coucher. Du ciel, il avait été difficile de repérer les chariots et les tentes placés sous le couvert d’un bosquet à l’écart de la route principale et plusieurs minutes d’observation avaient été nécessaires pour s’assurer qu’il s’agissait bien là de leur rendez-vous.

Les six compagnons eurent à peine le temps de sauter à terre qu’un nain monté sur un bélier semblable à celui de Zoorz arrivait au galop en compagnie de trois autres montures. Le nouvel arrivant les rejoignit rapidement et jeta un œil inquiet vers le campement qui semblait désert. Il se tourna ensuite vers son compatriote.

- C’est vous qu’avez b’soin d’montures en échange des griffons ? demanda-t-il.

- Exact, vois avec la petite aux ch’veux roses pour l’prix. Les autres, suivez-moi.

Asnath récupéra son sac de voyage sur la selle de son griffon et emboîta le pas au guerrier. Lorsqu’Ellécnite l’eut payé, le nain s’envola rapidement avec les griffons que le groupe avait abandonnés là. Noem’Aeda entreprit d’amener les nouvelles montures vers le camp vers lequel se dirigeaient ses compagnons. Ellécnite et Omundron n’ayant pas besoin de montures, la draeneï avait donc la charge d’un bélier et de trois chevaux protégés du froid par des pièces de tissu.

Alors qu’elle s’avançait vers les tentes à la suite du nain, Asnath entendit un bruissement près d’elle. Tournant rapidement la tête dans la direction du bruit, elle ne vit pourtant rien et continua son chemin tout en ayant la détestable impression d’être observée. Soudain, sans prévenir elle laissa tomber son sac de son épaule et le balança derrière elle avec force. Le paquetage heurta quelque chose avec force et elle entendit un hoquet de surprise. Lorsqu’elle se retourna, la prêtresse put voir Nathaël, plié en deux, qui peinait à reprendre son souffle.

- As-tu perdu la raison Asnath ? demanda-t-il son ton hésitant entre la surprise et l’indignation.

- J’avais l’impression que quelqu’un me tournait autour. Je suis désolée Nathaël.

- Tu n’as pas à l’être, intervint Noem’Aeda qui ne parvenait à cacher son hilarité, s’il a reçu le coup c’est qu’il se trouvait déjà beaucoup trop près de toi.

- Asnath, attention ! cria Omundron en s’élançant vers sa sœur.

La jeune humaine n’eut pas le temps de réagir ni de comprendre. Elle se retrouva un bras tordu dans son dos et un poignard sous la gorge. Les expressions qu’elle lut sur les visages de ses compagnons lui apprirent immédiatement que celui qui la maintenait n’hésiterait pas un instant à user de l’arme qui menaçait son cou. Asnath tenta de se dégager et la torsion de son bras s’accentua, lui laissant échapper un petit cri de douleur.

En s’accrochant désespérément au bras de son agresseur à l’aide de sa main libre, la jeune femme sentit ses doigts s’enfoncer dans la chair étrangement molle de son avant-bras. Sa main entra ensuite en contact direct avec une sorte d’assemblage de petits objets dont la texture ressemblait à de la pierre et que l’inconnu portait autour du poignet. Ce n’est qu’en sentant une fibre élastique se tendre entre ces objets que la prêtresse comprit qu’il ne s’agissait pas de cailloux comme elle l’avait pensé au premier abord, mais des os du poignet de son agresseur. Celui qui la menaçait d’un couteau sous la gorge était un mort-vivant.

Le sang d’Asnath se glaça dans ses veines quand elle comprit qui la maintenait sous sa menace et elle cessa un instant de respirer. Devinant que la résistance ne servirait à rien dans la posture qui était la sienne, la jeune humaine abandonna toute lutte et se contenta d’observer ses amis qui n’osaient faire un geste, de peur sans doute d’empirer sa situation. Une voix rauque parvint à son oreille, comme un murmure étouffé.

- Bien, tu as compris. N’essaie pas de te débattre, ou la dernière sensation que tu auras dans ce monde sera celle de ma lame tranchant ta gorge, siffla la voix à son oreille, et Asnath put sentir le souffle sans chaleur de celui qui se tenait derrière elle.

- Que voulez-vous ? demanda-t-elle en grimaçant sous la pression exercée sur son bras prisonnier.

- Savoir ce que tu viens faire ici.

- Nous avons rendez-vous… avec un convoi… expliqua la prêtresse, le souffle court, nous nous rendons à la Désolation des Dragons… aïe.

- Ne te plains pas, ceci n’est rien comparé à ce que je suis capable de t’infliger si tu continues de mentir. Je sais qui nous attendons pour partir et ce n’est certainement pas toi.

- Mais puisque je vous dis que mes amis et moi…

La pression de la lame sur sa gorge s’accentua dangereusement, dissuadant Asnath de poursuivre sa réponse.

- N’essaie pas de me duper, trancha la voix du mort-vivant, tu peux tromper tes camarades mais pas moi. Tu ne peux pas cacher à qui tu appartiens.

- Traqueur laisse-la, ce sont eux que nous attendions, fit une nouvelle voix venant du campement.

Asnath, toujours prisonnière du mort-vivant, vit ses compagnons se tourner vers le nouveau-venu. Nathaël et Omundron, qui l’avaient entendu arriver avant, étaient déjà prêts en cas d’affrontement. Le grand tauren qui fit son apparition s’avança les mains levées en signe de ses intensions amicales. Il était cependant accompagné d’un énorme serpent qui ondulait à ses côtés, sa langue bifide dardant en tous sens.

- Relâche-la t’ai-je dit, répéta le tauren à l’intention de celui qui retenait Asnath, il serait très mal vu d’accueillir nos nouveaux compagnons de voyage en tuant l’une d’entre eux de sang froid.

- J’ai la très nette impression de la connaître sans pour autant réussir à savoir qui elle est, répondit le mort-vivant de sa voix murmurante, et tu sais qui sont les seules personnes dont je ne me souviens que partiellement.

- Peu m’importe que tu aies la fugace impression de l’avoir déjà rencontrée, déclara le tauren d’une voix calme mais ferme, range ta lame, Traqueur.

Asnath sentit l’étreinte du mort-vivant se desserrer, lui permettant de nouveau de respirer. Dès qu’elle le put, la prêtresse se déroba et s’éloigna de celui que le tauren appelait Traqueur et se retourna pour l’examiner.

Le mort-vivant ressemblait fortement aux Réprouvés qu’ils avaient rencontrés dans les Hautes-Terres d’Arathi, il possédait comme eux de profondes cicatrices qui marquaient son visage et son corps en partie décomposé. Il était habillé de vêtements en cuir souple qui faisaient ressortir sa maigreur de cadavre décharné et lui permettaient de se mouvoir de façon fluide sans faire le moindre bruit. A sa ceinture et en bandoulière il portait de nombreuses lames courtes. Certaines semblaient réservées au lancer tandis que les autres, comme celle qu’il rangeait à sa ceinture, avaient un usage différent dont la prêtresse venait de faire les frais. Le Traqueur était sans nul doute un voleur, ce pour quoi il avait put s’approcher de sa victime sans qu’elle puisse le voir.

Le tauren en revanche était un chasseur à n’en point douter, la présence du serpent à ses côtés suffisait à en être sûr. Il était habillé de fourrures d’animaux nordiques qui avaient vu passer plus d’un hiver ce qui semblait indiquer qu’il n’en était pas à sa première expédition dans les neiges du Norfendre. Il était bien plus grand que ce qu’Asnath avait imaginé, dépassant d’une large tête Omundron.

Le tauren semblait cependant amical et invita les six voyageurs à venir se joindre à lui au camp. Le Traqueur disparut comme il était apparu, non sans jeter à la jeune humaine un regard qui la fit frémir. Lorsqu’ils furent tous assis auprès du foyer qui brûlait au milieu du campement, le chasseur prit la parole.

- Je m’excuse pour le comportement du Traqueur, il n’a confiance en rien ni personne. J’ai moi-même beau voyager avec lui depuis des années, il ne parvient toujours pas à me considérer comme un ami. Je me nomme Chailel Sabot-Agile, je suis le chef de ce convoi.

- J’suis Zoorz Titanev, se présenta le nain, voici Ellécnite Turosiven, Omundron Mirétoile, Nathaël Brillesoleil, Noem’Aeda et Asnath.

- Je vous présente de nouveau mes excuses, Asnath, pour ce qui vient de se produire, déclara le tauren en s’adressant à la prêtresse avant de se tourner de nouveau vers le nain, pour notre part, excepté le Traqueur et moi-même, le convoi est constitué d’un dernier membre qui ne devrait plus tarder. Il est parti chercher de l’eau tandis que je chassais et que le Traqueur surveillait le camp. Le voilà qui arrive d’ailleurs.

Tous se retournèrent pour voir arriver le dernier membre du convoi initial. Au loin sa silhouette se détachait dans la lumière du soleil couchant. Lorsqu’elle le vit s’approcher, Asnath commença à douter de son esprit qui semblait lui jouer des tours. Puis elle reconnu rapidement une personne qu’elle n’aurait plus jamais pensé revoir et ne put retenir une exclamation de surprise.

- Naarok ?