Aussi Omundron et elle le laissèrent monter la garde et rejoignirent leurs compagnons. Tandis que tous s’éloignaient afin de rejoindre la route, ils entendirent au loin un hurlement monter vers le ciel, long et déchirant, comme une plainte adressée à l’univers. Noem’Aeda et Asnath hésitèrent à rebrousser chemin en entendant ce cri de douleur, mais en voyant le druide s’éloigner à regret, elles décidèrent de l’imiter.

Ils cheminèrent en silence jusqu’à la Chapelle où ils firent par au capitaine Griz’Hold des événements de Stratholme. Celui-ci dépêcha sur le champ une escouade pour s’assurer que les morts-vivants n’avaient pas décidé de quitter la cité pour se répandre plus au sud. Puis l’orc prit Zoorz à part afin de le payer pour la livraison des vivres et du matériel.

A la demande de ce dernier, le capitaine accepta de leur confier des griffons pour les mener rapidement à Austrivage. Leur nombre réduit permettait de survoler la zone d’Altérac à grande vitesse sans avoir trop à craindre d’être abattu en vol. Ils laissèrent donc leurs montures terrestres sur place. Une fois arrivés au terme de leur voyage aérien, Ellécnite se chargerait d’en racheter de nouvelles. Il fallut ensuite réfléchir à un problème de taille qui ne manquerait pas de se poser à leur arrivé.

Ce problème portait un nom, il s’appelait Nathaël. En effet ce dernier ne manquerait pas d’attirer l’attention dans une ville humaine. Bien que la forte ressemblance de son peuple avec les derniers hauts-elfes qui n’avaient pas abusé de la magie soit frappante, la couleur de ses yeux ne manquerait pas de trahir ses origines. Il fut finalement décidé qu’il porterait une capuche qui lui couvrirait le visage tout le temps que leur groupe resterait à proximité des villes de l’Alliance. Ses yeux ainsi cachés, personne ne remarquerait son appartenance à la Horde.

Le trajet jusqu’à Austrivage ne leur prit que trois jours là où par la terre il leur en avait fallu une dizaine. Par la suite, ils reprirent leur chemin sur la terre ferme. La démoniste leur fournit de nouvelles montures en utilisant la petite fortune qu’elle avait emmenée avec elle dans une petite bourse en cuir qu’elle portait à la ceinture sans autre sécurité. Tout le monde se doutait de ce qui pouvait en coûter à celui qui tenterait de la lui dérober, aussi personne ne s’inquiétait de voir le petit sac bien en évidence à la taille de la gnome.

Lorsque les six compagnons reprirent leur route à cheval, Asnath se trouva fortement gênée par ses brûlures pour tenir les rennes, aussi devait-elle se contenter de guider son cheval en utilisant ses genoux. Les conversations reprirent petit à petit entre eux tandis que le choc de la perte de Tassanya commençait à s’estomper. Nathaël lui-même perdait peu à peu sa froideur hautaine pour converser avec Ellécnite et Noem’Aeda se contentait désormais de simples joutes orales avec lui. Seul silencieux restait Omundron.

Depuis qu’Asnath lui avait annoncé la mort de Reïna, celui-ci n’avait plus dit un mot, se contenta d’approuver de la tête toutes les décisions prises. Son état inquiétait ses compagnons sans que ceux-ci trouvent un moyen de le faire sortir de son mutisme. Aussi le druide demeura silencieux pendant longtemps, jusqu’à une nuit qu’ils passèrent dans les Hautes-Terres d’Arathi. Ils avaient installé leur campement et tous s’étaient endormis paisiblement, ayant choisi un lieu abrité et en hauteur où rien ni personne ne viendrait les déranger.

Ce soir-là, Asnath se réveilla en sursaut au milieu de la nuit, un frisson glacé la parcourut tandis que les dernières images de son rêve s’estompaient.

- Encore un cauchemar ? demanda Omundron en la faisant sursauter de nouveau.

La jeune femme n’avait pas entendu la voix du druide depuis si longtemps qu’elle avait tout d’abord eu du mal à l’identifier. Elle se retourna et le vit, assis sur un rocher, en train d’observer le clair de lune. Contrairement à Zoorz, Ellécnite, Nathaël et Noem’Aeda, l’elfe ne dormait pas. Asnath mit sa couverture sur ses épaules et alla s’asseoir près de son frère d’adoption.

Pendant un moment, aucun des deux ne prit la parole puis la prêtresse se décida.

- Tu penses à elle, n’est-ce pas ?

- Il n’est pas un instant où je ne pense pas à elle, avoua Omundron, à elle et à Reïna. Des trois personnes que j’aimais le plus au monde, il ne reste plus que toi, ma petite humaine… C’est étrange de se dire que… malgré le fait que nous n’ayons pas peur de notre propre mort, nous ne sommes jamais préparés à celle de ceux que l’on aime.

- C’est justement parce que nous les aimons que nous ne pouvons nous faire à l’idée qu’ils puissent un jour nous quitter. Je ne compte plus nombre de fois où j’ai cru entendre Reïna m’appeler…

Sa phrase resta en suspend, ni l’un ni l’autre n’avait le cœur à parler des disparus.

- Omundron, reprit finalement la prêtresse, les elfes ont une longue vie, je suis sûre que tu trouveras quelqu’un qui apaisera un peu ta douleur. Je sais que rien ne pourra te faire oublier Tassanya, ce serait d’ailleurs cruel de ma part de penser que tu seras un jour consolé. Mais un jour finiras-tu peut-être par trouver un ami qui aura vécu les mêmes tourments et…

- Non, petite sœur, l’interrompit le druide en posant sa main sur la joue d’Asnath, je n’ai pas à attendre ce jour. Tu es là. Tu as toujours été là. Je ne sais même pas pourquoi je t’ai abandonnée. Pourquoi ton regard embué de larmes ne m’a jamais convaincu de faire demi-tour. Je te l’ai dit, des personnes que j’aimais le plus, tu es la seule qu’il me reste.

Asnath se lova dans les bras de l’elfe, une oreille contre son cœur. A voir la force du chagrin d’Omundron, l’humaine fut étonnée d’entendre ce dernier qui battait toujours.

- Asnath, je peux te poser une question ? demanda l’elfe en brisant le silence qui s’était installé.

L’intéressée acquiesça.

- Cela fait longtemps que tu fais des cauchemars ? C’est le huitième en dix jours.

Asnath se redressa et regarda un moment la lune, cherchant à se remémorer depuis quand ses rêves avaient fait leur apparition.

- Non, répondit-elle, pas si longtemps. En réalité juste depuis Stratholme, et cela devient de plus en plus récurrent.

- Tu arrives à te souvenir de ce que tu vois ?

- Penses-tu que ces rêves pourraient avoir une signification ?

- Je ne pense pas, les humains ne sont pas suffisamment sensibles aux forces qui les entourent pour faire des songes prémonitoires. Mais si tu m’en parles tu comprendras peut-être ce qui te cause du souci et provoque ces rêves.

L’humaine ferma les yeux pour mieux se remémorer, les images étaient encore gravées dans son esprit, nettes et angoissantes.

- Je suis seule, dans une ville en flamme… pas Stratholme, une autre que je ne connais pas… je marche dans la rue, au milieu des maisons qui brûlent… soudain des morts-vivants surgissent de nulle part… ils sont nombreux… ils commencent à m’encercler alors je me mets à courir. Mais c’est peine perdue… je me rends compte qu’ils ne s’approchent pas trop de moi… juste assez pour m’effrayer… comme une meute de loup qui pousse sa proie jusqu’au lieu propice à son exécution. Alors je passe une porte… je me retrouve dans une salle vide et froide… les morts vivants ne sont plus là… j’entends un bruit qui vient du fond de la salle… je ne veux pas m’avancer… mais c’est plus fort que moi alors j’y vais… je vois un grand miroir avec un cadre en acier gravé de runes… je m’approche pour regarder et là je vois…

- Que vois-tu ?

Asnath lève son regard vers Omundron.

- Rien.

- Tu ne vois rien dans le miroir ?

- Oui, et c’est à ce moment que je me réveille. Je ne sais pas ce que le miroir reflète, je reprends toujours conscience avant.

Le druide réfléchit en silence pendant un long moment puis finit par soupirer.

- S’il n’y avait que les morts-vivants te poursuivant, je dirai que tu continues de penser à ce qui t’es arrivé à Stratholme. Mais le miroir m’intrigue, comme si tu souhaitais t’avouer quelque chose à toi-même mais que tu n’y arrivais pas.

Le silence tomba de nouveau entre eux. La jeune femme se rendit alors compte qu’elle brûlait de poser à son frère une foule de questions. Ils avaient vécu tant d’années ensemble et pourtant elle avait l’impression de ne pas le connaître. Maintenant qu’elle avait découvert le monde à l’extérieur du couvent, elle comprenait que l’histoire d’Omundron comportait d’énormes lacunes.

- Omundron. Tu voudrais bien répondre à plusieurs questions ? A propos de ta vie… avant que je n’arrive aux Murmures Brisés.

Son frère ne répondit pas. Il garda les yeux fixés sur la lune qui éclairait les alentours de sa lueur froide.

- S’il te plaît… insista la jeune femme en pressant légèrement son bras.

- Que désires-tu savoir que tu ne saches déjà ?

- Où se trouvait le couvent avant que l’Arbre Monde ne soit détruit et que Teldrassil soit créé ?

- Cette question ne concerne pas tant mon passé que celui du couvent, répliqua le druide en dévisageant l’humaine, n’essaie pas de me cacher la vérité Asnath. Que cherches-tu réellement à savoir ?

Son interlocutrice détourna les yeux, honteuse que son frère ait compris qu’elle cherchait autre chose dans ses réponses que ce qu’elle lui demandait. Elle s’arma de courage et affronta le regard d’Omundron, devenu si dur depuis la perte de son âme-sœur.

- Est-ce que Reïna a rencontré des humains lorsque ceux-ci ont débarqué en Kalimdor ?

L’elfe la fixa un instant de ses yeux brillants, comme s’il cherchait à percer au fond de ceux de sa sœur les raisons qui la poussaient à le questionner ainsi.

- Tu sembles déjà connaître la réponse à cette question mais je suppose que ton désir véritable est de savoir pourquoi.

Asnath ne répondit rien et se contenta de jouer avec les brins d’herbes qui se trouvaient à côté d’elle. Omundron resserra légèrement son étreinte autour de sa sœur et soupira.

- Tu as changé, Asnath, il n’y a pas si longtemps tu m’aurais demandé à l’instant ce que tu souhaitais savoir.

En voyant que la jeune femme continuait de rester muette, dans l’attente d’une réponse, l’elfe se vit forcé de continuer.

- Soit… soupira-t-il avant de commencer son récit, le couvent des Murmures Brisés n’existait pas avant ce que les humains ont appelé la Troisième Guerre. Au pied du Mont Hyjal où se tenait l’Arbre Monde, parmi de nombreux villages de notre peuple se trouvait un ancien couvent qui, je crois, avait été construit quelques siècles à peine après la destruction du Puits d’Eternité. Ce lieu portait le nom de Repos de la Chouette, je n’ai jamais su pourquoi. Toujours est-il que c’est là que j’ai passé la première partie de ma vie, jusqu’à ce que la guerre nous rattrape.

Reïna était à l’époque une guerrière de notre armée, sous les ordres de la Grande Prêtresse Tyrande. Lorsque les orcs et les humains ont débarqué sur nos terres, suivis des troupes de la Légion, nous avons unis nos forces aux leurs. Reïna fut envoyée pour évacuer le temple avant la bataille qui amena à la destruction de l’Arbre Monde. La mère supérieure qui était alors à la tête du couvent a refusé de fuir, prétendant que ce serait une honte pour nous tous si nous tentions de fuir le destin qu’Elune avait décidé de nous offrir. L’officier qui commandait le bataillon dont faisait partie Reïna a décidé qu’il serait inutile de protéger ceux qui ne souhaitaient pas l’être, aussi ramena-t-elle ses troupes vers les camps qui se montaient au pied du Mont Hyjal. Une seule est restée pour nous protéger… je suppose que tu devines laquelle.

Omundron s’arrêta quelques secondes pour rassembler ses esprits afin de continuer son récit.

- La décision de la mère supérieure de ne pas agir pour sauver ce monde des flammes de la Légion ne me convenait pas. Certes je n’avais jamais appris à me battre, mais je refusais de voir d’autres mourir pour me protéger. Aussi suis-je allé proposer mon aide à Reïna. En m’approchant d’elle, j’avais l’impression de l’avoir toujours connue et que l’effet était réciproque. Lorsque je lui ai demandé ce qu’elle attendait de moi, la première réponse qui lui vint fut « je veux que tu vives ». Elle me demanda ensuite de monter sur le toit du Temple afin d’y guetter les démons qui ne tarderaient pas à arriver.

La bataille fit rage pendant plusieurs heures, bien longtemps après que le Seigneur Démon Archimonde ait été vaincu. Seule contre les hordes de démons, Reïna fut vite submergée. La mère supérieure, convaincue que là se trouvait notre fin à tous, ouvrit en grand les portes de la salle où Reïna et moi avions mis les autres habitants à l’abri, ce fut là son dernier geste de folie. La plupart de ceux réfugiés à l’intérieur furent suffisamment rapides et fuirent, les autres furent massacrés.

Les dernières vagues de démons arrivaient, encore plus nombreuses maintenant qu’ils s’enfuyaient après la chute de leur maître. Reïna se mit à l’abri avec moi dans un réduit et, alors que nous attendions que nos ennemis parviennent à défoncer la porte, elle se mit à implorer Elune. Elle fit le serment de ne plus jamais verser le sang jusqu’à sa mort si la déesse acceptait de me protéger.

Peu de temps après nous entendîmes le bruit d’une cavalcade à l’extérieur puis une brève bataille éclata. Lorsqu’enfin le silence revint, Reïna sortit du réduit et tomba nez à nez avec des troupes humaines venues nettoyer les dernières poches de résistance démoniaques. Elle accepta de les suivre afin de les aider à localiser les autres lieux où des démons auraient pu tenter de fuir, me laissant aux soins des survivants du couvent qui étaient revenus.

Le druide reprit son souffle et, en sentant Asnath frissonner, frotta doucement la paume de sa main sur le dos de la jeune humaine.

- C’est ainsi que j’ai rencontré les humains. Je ne sais si Reïna les avait rencontrés avant mais mon histoire avait un tout autre but que de t’expliquer comment elle avait pu faire leur connaissance.

Asnath releva la tête vers son frère, intriguée.

- Il est aisé de lire en toi quand tu parles d’elle, Asnath, reprit doucement l’elfe, la culpabilité que tu ressens laisse son empreinte dans chacun de tes mots qui la concernent. Mais comprends-tu ce que je viens de t’expliquer.

- Reïna aurait pu tuer le draconide sans elle-même être tuée… si elle n’avait fait le serment de ne plus verser le sang.

Cette révélation choqua la prêtresse. Cela faisait à présent près de deux mois qu’elle vivait dans la douleur que lui causait l’idée d’être à l’origine de la mort de sa mère adoptive et désormais son frère venait de lui expliquer qu’elle n’en était pas responsable.

- C’est à cause de moi que Reïna a fait se serment, poursuivit celui-ci en fixant le paysage nocturne, et si j’avais eu plus de force, sans doute aurai-je pu empêcher Tassanya d’entreprendre ce projet qui la menée à la mort.

Asnath ne dit rien, qu’aurait-elle pu dire. Rien ne saurait jamais consoler Omundron de la perte qu’il avait subie. Elle n’oublierait jamais, malgré les paroles de son frère, que c’était pour la sauver que Reïna s’était mise sur la route du draconide.

- Sais-tu d’où viens ton nom Asnath ?

La jeune humaine leva la tête vers Omundron, étonnée de cette question qui changeait radicalement de sujet. Auparavant, elle n’avait jamais réfléchi à l’origine de son nom. Depuis qu’elle avait quitté le couvent tous lui en demandaient l’origine mais elle ne pouvait leur répondre.

- Je pensais que mes parents me l’avaient donné.

- Non, c’est moi, répondit Omundron, tu es arrivée pendant la nuit mais je ne t’ai rencontrée qu’au matin. Tu étais tellement adorable, moi qui n’avait jamais vu d’enfant humain. Reïna a vu que j’étais sous ton charme alors elle m’a proposé que ce soit moi qui te donne un nom. Je n’avais pas d’inspiration, je me suis donc dit que tu allais m’aider à choisir… Te souviens-tu de la carte du ciel nocturne qui se trouvait dans la bibliothèque du couvent ?

La prêtresse réfléchit un moment avant de répondre, elle se souvenait parfaitement de cette tapisserie où étaient dessinées les constellations et les étoiles qui illuminaient le ciel d’Azeroth.

- Celle sur le grand mur du fond ? demanda-elle, celle où sont répertoriées toutes les étoiles ?

- Oui, acquiesça le druide, je t’ai emmenée devant et t’ai montré les étoiles. Tu n’étais pas très vieille mais tu me paraissais tellement concentrée devant cette carte que j’ai commencé à te donner le nom des étoiles une à une. Jusqu’à ce que tu en choisisses une.

- Laquelle était-ce ? s’enquit la jeune femme en levant instinctivement les yeux vers le ciel.

- Asnathore, l’étoile des glaces, celle qui brille au plus fort de l’hiver. Je désirais te donner le nom de cet astre, mais Reïna m’a dit que si jamais tu quittais le couvent, un nom elfique serait étrange pour une humaine. Alors avons-nous raccourci et t’avons-nous appelée Asnath.

La jeune femme resta songeuse un instant à contempler les étoiles, espérant trouver celle dont elle portait le nom. Cependant, le début de l’été n’était pas la période propice de l’année pour la repérer.

- Pourquoi me racontes-tu cela ? finit-elle par demander en quittant le ciel des yeux.

- Tu portes très bien ton nom.

Perplexe, l’humaine leva la tête vers Omundron, espérant lire sur son visage la raison de cette constatation. Elle put lire au fond de ses yeux que la douleur qui l’accablait était bien plus profonde qu’elle ne l’avait imaginé. Elle n’avait jamais vu les yeux de son frère aussi ternes et peu brillants. Asnath poussa son examen un peu plus loin.

Omundron avait le visage émacié et les traits tirés par le manque de sommeil. La jeune femme savait que, régulièrement, la nuit, il s’enfuyait dans la forêt sous l’apparence d’un grand félin. C’était à peine s’il se nourrissait et il restait de longues heures silencieux et taciturne, pendant que tous les autres discutaient en voyageant. Souvent il partait seul en éclaireur, soi-disant pour prévenir une éventuelle embuscade, mais personne n’était dupe. Asnath aurait voulu l’aider, veiller sur lui comme il avait veillé sur elle pendant tant d’années mais elle ne voyait aucune solution.

- Que veux-tu dire ? se contenta-t-elle de le questionner, ne trouvant aucune autre réponse.

- Mon âme est gelée au milieu d’un hiver sans fin de chagrin et de douleur. Mais au loin, il y a une étoile qui brille, qui m’incite à vivre et à me battre. Je ne sais pas ce que j’aurai fait si tu n’avais pas été là ma petite étoile des glaces.

Asnath ne répondit rien, elle avait la gorge serrée. Elle repensait à toutes ces années où il n’y avait eu pour elle qu’Omundron et Reïna. Les larmes coulèrent en silence le long de ses joues. Le druide vit leur éclat sous les rayons lunaires, il en récupéra une sur le bout de son doigt puis la laissa tomber au sol.

- Il faudra un jour que tu m’expliques pourquoi tu as quitté le couvent…, déclara finalement l’elfe en regardant la gouttelette argentée s’écraser au sol.

- Lorsque j’aurais les réponses à mes questions. Lorsque certaines blessures auront cicatrisé, alors j’espère que nous serons encore ensemble pour que je puisse te le dire.

- Pars-tu de nouveau à la recherche de ta famille ?

La jeune humaine le dévisagea d’un air surpris. Elle ne lui avait pas parlé de sa recherche de ses parents.

- Ton amie draeneï ne semble pas considérer cette information comme un secret, plaisanta le druide, mais réponds à ma question.

- Je pense que si ma famille n’a pas voulu de moi, alors il est sans doute mieux pour moi d’en trouver une autre.

La prêtresse se retourna vers leurs amis endormis, ils se connaissaient depuis si peu de temps pour certains… Cela faisait maintenant presque deux mois qu’elle et Noem’Aeda s’étaient rencontrées à Auberdine alors qu’Omundron n’avait rejoint le groupe qu’un peu plus d’une semaine auparavant. Ce dernier jeta un œil à ce groupe si particulier qui dormait à poings fermés.

- Tu les considères comme une famille ? demanda-t-il un peu suspicieux.

- En quelque sorte. Ellécnite agit un peu comme une mère avec nous. Je me pose souvent des questions sur sa santé mentale, mais elle est très protectrice envers Noem’Aeda et moi. Zoorz serait plutôt l’oncle jovial qui vient toujours pour faire la fête mais qui est le premier à prendre ses responsabilités le moment venu. Noem’Aeda est pour moi comme une sœur, toi tu es mon frère.

- Et le paladin ?

Asnath se tut, restait Nathaël, seul membre de la Horde de ce groupe, rescapé de justesse de l’attaque des morts-vivants dans les Maleterres. Même s’il était parvenu à s’intégrer, il restait à part. En réfléchissant, la prêtresse se frotta les mains, ce qui raviva la douleur de ses brûlures, la laissant échapper un petit cri de douleur. Aussitôt le druide lui prit délicatement les mains.

- Tu as encore mal ? demanda-t-il en commençant à murmurer une incantation.

Les paumes de l’elfe émirent une lumière verte et la douleur reflua lentement.

- Un peu, mais je guéris vite, le rassura-t-elle aussitôt, grâce à ta magie en grande partie. Je ne sais pas ce que je deviendrais sans toi.

- Tu serais sans doute plus heureuse et tu n’aurais pas toutes les nuits ces cauchemars qui te hantent.

La lueur verte disparu et Omundron libéra les mains de sa sœur. Asnath se leva et retourna vers le feu de camp qui agonisait. Elle jeta un peu de bois pour le raviver, laissa son regard errer dans les flammes puis, en se recouchant, elle s’adressa à son frère.

- Mais j’échangerai mille ans de cauchemars, si horribles soient-ils, contre la certitude que tu ne m’abandonneras plus.

En un instant, alors qu’elle se recouchait, le grand tigre fut à ses côtés et s’allongea près d’elle. Tandis qu’elle s’endormait, elle entendit la voix de son frère résonner dans le silence de la nuit.

- J’ai trouvé l’étoile qui me permet de ne pas rendre vain le sacrifice de Reïna. Crois bien que je ne la laisserai pas s’éteindre de sitôt.