Ayant évidemment eu la bonne idée de quitter les limbes où tous les héros absents se retirent entre deux actions épiques juste au début de l’heure de pointe, elle s’était matérialisée à Dalaran au milieu d’une foule innombrable. Et son esprit, relié aux restes des aventuriers de l’Alliance se trouvant dans les capitales de ce monde et de l’Outreterre par la puissante magie des mages, s’était retrouvé assailli par la multitude de demandes. Qui cherchant un enchanteur pour sa toute dernière lame à la mode, qui essayant désespérément d’enrôler un lanceur de sort pour aller défaire un ennemi revenu une fois de plus faire des siennes, le prêtresse en était ressortie avec un horrible mal de crâne que même ses sorts ne pouvaient atténuer. En toute hâte elle s’était dirigée vers l’Enclave Argentée afin de rejoindre le plus vite possible la capitale naine et puis quitter ce brouhaha mental. Comble de malchance, un utilisateur qui se croyait plus malin que les autres avait cru bon de réciter une incantation alors que le portail de téléportation le menait à bon port. Il avait réussi à se bloquer entre son point de départ et son point d’arrivée et le temps que les mages du Kirin Tor lui viennent en aide, une belle file d’attente s’était formée, retardant la prêtresse de plusieurs minutes. Et elle détestait attendre.

Une fois chez les nains, elle avait couru jusqu’au maître de vol et avait pris un griffon pour les Maleterres de l’Est, laissant derrière elle avec joie le flot continu des requêtes diverses et variées. Dans le ciel azuré, tout en contemplant les territoires qui se déroulaient sous elle, la jeune humaine fit l’inventaire du contenu de ses sacs, jetant par-dessus bord tous les objets n’ayant aucune valeur marchande et qui l’encombraient. Elle regarda un moment avec amour sa collection de pièces trouvées dans la fontaine magique de Dalaran puis passa en revue son équipement, vérifiant qu’il ne méritait pas une réparation. Satisfaite, elle se détendit et regarda se profiler devant elle les montagnes qui séparent les Hinterlands des Maleterres, bientôt arrivée.

Une fois posée à la petite chapelle de l’Espoir de la Lumière, la prêtresse récita l’incantation qui permet à tout aventurier un peu entraîné d’invoquer une de ses montures. Ce sort créé quelques années auparavant était une bénédiction, un cheval n’est pas facile à transporter par les airs. Une fois en selle elle s’élança à travers les plaines putrides, évitant de son mieux les chiens, chauve-souris et autres vers gluants qui avaient élu domicile ici. En passant à côté de la Tour du Mur de l’Est elle vit que c’était le drapeau rouge de la horde qui flottait à son sommet, mais elle n’avait pas de temps à consacrer à la reprise de ce lieu.

Elle continua plus au nord, mais avant l’entrée de Pestebois bifurqua vers un mur percé d’une porte, elle-même barrée d’une herse. L’humaine descendit de sa monture qu’elle révoqua, sortit son trousseau de clefs et entreprit d’ouvrir la herse. Une fois de l’autre côté elle s’arrêta un instant. Elle murmura une incantation tout en se concentrant, l’instant d’après elle se sentit vidée de toute son énergie magique. Le passage de la lumière à l’ombre n’était pas aisé et il avait un prix, mais cela ne lui posait aucun problème. Nouvelle incantation et une écharpe d’ombre l’enveloppa rendant sa magie plus puissante mais lui interdisant l’utilisation des sorts sacrés. Elle était désormais prête, elle avança dans la ville en ruine de Stratholme.

Derrière la grille qui fermait l’autre côté du couloir, la prêtresse s’apprêtait à entrer dans la première cour quand une voix s’adressa à elle. La personne en question recherchait un soigneur pour s’attaquer à une certaine épreuve d’un certain tournoi. L’aventurière déclina poliment l’offre en trouvant un faux argument puis soupira intérieurement en se demandant si la pénurie des soigneurs était suffisamment grande pour aller faire appel à quelqu’un qui se trouvait à l’autre bout du monde. Elle haussa les épaules et avança, déclenchant l’alarme, mais cela n’avait aucune importance. Longeant un mur, elle parvint sans encombre à atteindre le Défi, une sorte de grande rue formant un cercle. Trois ziggourats s’élevaient dans cette rue et un cristal protecteur se trouvait dans chacune de ces tours maudites. La puissance des trois cristaux permettait d’ériger une barrière protectrice autour de l’Abattoir, là où se terrait Sa cible. Cible qui d’ailleurs venait de lancer un futile ultimatum de trois quart d’heure. La prêtresse sourit, il lui en faudrait bien moins pour parvenir à ses fins.

La prêtresse décida pour changer de commencer par la ziggourat de gauche gardée par un de ces horribles insectes à six pattes, pour elle qui détestait les araignées et autres bêbêtes de ce genre c’était un moyen d’en finir vite. Elle s’élança en courant et en faisant attention à ne pas se faire voir. Des années d’expérience à combattre dans les donjons lui avaient appris à se faire discrète et même si elle n’avait pas les capacités des voleurs ou les sorts des mages, elle parvenait désormais à passer inaperçue aux yeux de ses faibles ennemis. Elle arriva facilement devant la tour mais préféra se débarrasser d’un groupe de nécromants postés à côté afin d’avoir le champ libre. Une fois le nérubi qui se trouvait dans ce groupe encagé, les sorciers étaient d’une faiblesse hilarante, même pour un prêtre. La jeune humaine s’assit et s’accorda quelques secondes de répit afin de boire un peu. Puis elle se releva et fit face au premier gardien, Nerub’Enkan l’insecte, elle prononça un bref mot et un bouclier se forma autour d’elle, elle était prête.

Le combat fut comme à l’accoutumée très bref, une fois incantés les quatre sorts affaiblissant l’ennemi, il ne restait plus qu’à utiliser en alternance deux autres sorts pour faire mordre la poussière au monstre insectoïde. L’aventurière ne se donna même pas la peine de fouiller le corps répugnant, ce qu’elle désirait une seule personne le possédait dans cette ville. Elle contourna la carcasse et entra dans la ziggourat par la porte qui s’était ouverte à la mort du gardien. A l’intérieur, six nécromants en transe maintenaient en permanence en état le cristal Asha’ri. La prêtresse ne se donna même pas la peine d’être discrète, elle se contenta de les massacrer impitoyablement, ils avaient déjà vendu leurs âmes à quelqu’un d’autre. Le cristal se désintégra sous ses yeux, et de un.

La seconde ziggourat, celle que gardait la Baronne banshee Anastari, tomba encore plus facilement, les sorts de sa gardienne se heurtant au bouclier de l’humaine. Deux cristaux à terre, plus qu’un. Le moment de vérité était là, la place du défi était encombrée de non-morts de tout genre, insectes, banshee, gargouilles faisant des allers-retours et même plusieurs goules qui tombaient en morceaux et parvenaient pourtant on ne sait comment à se déplacer.

Pour l’aventurière, il lui fallait traverser en faisant bien attention à l’endroit où elle posait les pieds. Elle avait dans la tête ce douloureux souvenir de la fois où par mégarde elle avait trébuché sur la patte d’un nérubi. Elle avait beau être la plus puissante, quand il avait appelé ses copains en renfort, à trente contre une, elle avait du se résoudre à mourir. S’en était suivi la longue marche pour retrouver l’entrée et par la même occasion son corps, qui par chance n’avait pas été altéré. Cette fois-ci tout ce passa pour le mieux et elle pu commencer à grimper les marches de la troisième tour, sa préférée. En effet son gardien, le nécromant Maleki le Blafard, était accompagné d’une petite escorte de disciples qui combattaient à ses côtés. Et, était-ce une pulsion refoulée ou autre chose elle ne le savait pas, la prêtresse s’amusait beaucoup à lancer quelques sorts sur la durée au chef puis à utiliser son esprit pour lancer une vague psychique meurtrière sur ses apprentis qui s’évertuaient à essayer d’entamer son bouclier.

Les trois cristaux détruits, la prêtresse fière du temps qu’elle avait mis pour mettre à bas la protection de sa cible, se dirigea vers la place du Massacre. Charmant nom pour charmante faune. De fait, l’endroit était peuplé d’adorables assemblages de chair cousue avec le savoir-faire des meilleures couturières du Fléau. La prêtresse, qui ne comprenait pas quel esprit était suffisamment tordu pour aller créer des trucs aussi moches, essaya d’en finir le plus vite possible en les attirant par groupes de trois ou quatre. En cinq minutes le sale boulot était fini mais alors une voix retentit sur la place. La personne se trouvant dans l’abattoir demanda à son majordome de venir accueillir la jeune invitée. Enfin le majordome… disons plutôt l’abomination la plus grosse de la ville que l’on ne sortait que pour les grandes occasions, la prêtresse était une grande occasion.

L’intruse attendait que son adversaire la remarque en se demandant qui lui avait donné son nom. Ramstein Grandgosier, bon pour Grandgosier elle parvenait encore à comprendre mais pour Ramstein. Pourquoi pas Toki-oo-tel pendant qu’on y était. L’humaine se leva pour attirer l’attention du monstre et enchaîna les sorts, elle voulait voir si elle était capable de terrasser la chose en ne volant qu’une seule fois dans le décor. Mission accomplie.

Galvanisée par cet exploit, elle n’entendit pas la herse derrière elle se lever pour laisser entrer une cinquantaine de squelettes et autres zombies et eut tout juste le temps de réactiver son bouclier et d’incanter un sort de zone pour se débarrasser de ces gêneurs. Elle alla ensuite s’asseoir devant la porte de l’Abattoir, elle savait que le maître des lieux était un peu long pour réagir. Elle en profita pour se concentrer sur le lien mental qui unissait les membres de sa guilde et y reconnu les esprits d’une gnomette démoniste un chouya fofolle, d’un chevalier de la mort nain assez boute-en-train, d’un mage humain dont la spécialité avouée est de servir de tapi et d’une prêtresse naine râleuse. Bref des gens attachants avec qui elle discuta un peu.

Un cri la ramena alors à la réalité, une escouade de squelettes d’élite sortait du bâtiment en face d’elle en demandant qui osait déranger leur maître. Elle faillit leur répondre « Devinez », cela faisait une semaine qu’elle venait ici une fois à deux fois par jour, ils auraient du s’y habituer et partir se cacher lorsqu’elle débarquait. Au lieu de ça tout le monde était à son poste pour lui répéter à chaque fois les mêmes menaces. L’équipe d’élite fut vite réduite à l’état de tas d’os et le chemin vers le seigneur autoproclamé de la ville était libre. La prêtresse, qui avait envie d’en finir, courut à l’intérieur du sinistre bâtiment et s’arrêta sur le seuil de la porte de la seule pièce.

Tableau classique, un cavalier maléfique monté sur son cheval de la mort et dans une cage une pauvre damoiselle en détresse, en mission pour un ordre puissant mais capturée, en attente d’un preux chevalier pour la sauver. Faute de preux chevalier c’est une petite humaine qui était venue la sauver. L’aventurière regarda le Baron Vaillefendre dans les yeux en s’interrogeant sur l’utilité de monter un cheval dans son salon mais ne s’y attarda pas. Elle commença l’attaque, ripostant aux coups d’épée du baron par ses sorts de l’Ombre, détruisant les squelettes invoqués dès leur apparition, bref faisant un petit massacre.

Finalement Vaillefendre tomba à terre, mort. La demoiselle en détresse sortit en remerciant la prêtresse qui ne l’entendit même pas tellement son esprit était accaparé par autre chose. Elle ferma les yeux, retint son souffle puis glissa la main dans les poches du cadavre à ses pieds. Et là misère, de l’argent il y en avait, une tunique et un heaume stupide, un collier mais pas ce qu’elle cherchait. La jeune humaine poussa un juron qui en fit rougir l’ex-prisonnière.

Même mort le baron parvenait à l’ennuyer, comment faisait-il pour ne jamais oublier les rennes de son cheval dans sa poche avant de combattre ? Pourquoi fallait-il toujours qu’il aille les ranger la lumière seule sait où ? C’est en grognant que la prêtresse sortit la pierre blanche marquée d’un glyphe bleu qu’elle gardait toujours sur elle. Elle passa son doigt sur le glyphe et commença l’incantation de retour à son auberge de rattachement.

Elle s’en fichait de toute façon, l’avantage du Fléau c’est que tant qu’il y a un nécromant vivant ils finissent tous par se relever et elle, elle avait tout son temps. Mais elle savait qu’un jour elle finirait par elle aussi pouvoir se promener dans Dalaran en frimant avec un cheval squelette. Et que ferait-elle une fois qu’elle l’aurait ? Elle essaierait d’avoir les montures de Zul’Gurub pardi.

Cette prêtresse c’est moi, Elwilan, mais je pense aussi à tous ces autres aventuriers qui se sont échinés, s’échinent et s’échineront encore à essayer de faire tomber ce satané canasson. J’ai une pensée particulière pour une certaine naine qui a réussi à l’avoir grâce à un certain joueur devenu invisible.